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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mémoire !…
    — Refermez-la, de grâce, Monsieur le Chevalier !
dit Déagéant. Le chapitre XIII des Essais ne nous servira plus…
Nous allons ce jour franchir une deuxième étape, si vous y êtes du moins
consentant. Car l’affaire sera périlleuse. À ce sujet, plaise à vous, Monsieur
le Chevalier, de vous ramentevoir que si elle échoue…
    — Ce sera le billot pour moi et la hart pour
vous ! Nous l’avons déjà dit ! Parlez, parlez ! Monsieur Déagéant.
Vous me donnerez quelque impatience, si vous vous taisez davantage !
    Déagéant sourit, ce qui me donna à penser qu’il devrait
sourire plus souvent, car son rude et fruste visage s’éclaira à mon endroit
d’une lumière amicale et quasi attendrie.
    — Monsieur le Chevalier, dit-il, puis-je vous demander
quel âge vous avez ?
    — Vingt-cinq ans.
    — N’êtes-vous pas un peu jeune pour vous mettre au
hasard de dire adieu à jamais à ceux que vous aimez ?
    — Monsieur, je vous citerai là-dessus mon grand-père,
le baron de Mespech. À qui lui demandait si, depuis qu’il avait cent ans, il
n’envisageait pas avec plus de sérénité de quitter ce monde, il répondit tout
de gob : « Point du tout ! Qu’on soit jeune ou vieux, quand la
mort frappe à votre porte, elle frappe toujours trop tôt. » Malgré cela,
je n’aimerais pas demeurer en vie, si mon roi devait tomber dans les fers, ou
pis encore. Je sentirais trop le déshonneur de ne pas l’avoir assez bien servi.
    — Ce sentiment est aussi le mien, dit Déagéant avec
gravité.
    — Adonc, dis-je tout bouillant, que faisons-nous ?
Où allons-nous ? Quand commençons-nous ?
    — Là où nous allons, nous ne devrons arriver que dans
une grosse heure, Monsieur le Chevalier, et j’aimerais, si vous le permettez,
vous faire la surprise et du lieu et des compagnons.
    — Fi donc ! Que de mystères ! dis-je. Mais en
attendant que vous les éclairiez, soupons ! Nenni, nenni, point de
refus ! Le temps nous paraîtra moins long. La Barge, demande à Robin de
nous apporter du pain de Gonesse, du beurre, de belles tranches de jambon de
Bayonne et un flacon de vin de Cahors. Monsieur Déagéant, poursuivis-je, quand
nous fûmes attablés, mangeant tous deux à dents aiguës et buvant à grandes
goulées, dès lors que ce vin de pays aura enrichi votre sang, il ne pourra que
délier votre langue. Or sus, Monsieur Déagéant, point de défaites !
Répondez-moi : le lieu ?
    — Le Louvre.
    — Le Louvre est grand…
    — L’appartement de Monsieur de Luynes.
    — Les compagnons ?
    — Monsieur de Luynes.
    — Cela va sans dire. Qui d’autre ?
    — Son cousin, le baron de Modène.
    — Mais encore ?
    — Monsieur de Marsillac.
    — Qui d’autre ?
    — Monsieur Tronçon.
    — Qui est Monsieur Tronçon ?
    — Un homme de loi.
    — Est-ce tout ?
    — C’est tout, dit Déagéant.
    Mais bien que son sourire démentît son affirmation, je ne
pus rien tirer d’autre de lui. Et pour parler à la franche marguerite, je me
sentis en mon for quelque peu rabattu. Car les personnages qu’il m’avait nommés
me paraissaient bien petits et bien falots pour s’engager dans une entreprise
qui devait être de conséquence, puisque Déagéant avait pris soin de m’en
souligner les périls.
    — Mais qui donc vous attendiez-vous à voir là. Monsieur
le Chevalier ? dit Déagéant, qui avait senti ma déception. Un duc ?
Un évêque ? Mais ces grands personnages ne se mettent pas souvent au hasard
de perdre ce qu’ils ont, ou alors il faut que la mise soit belle et qu’il y ait
fort à gagner. Ce sont les petites gens, au nombre desquelles je me range, qui
donnent leur vie pour servir le roi…
    N’ayant pas au Louvre d’intrigue de dame, je n’étais pas
accoutumé à sortir de mon appartement pour hanter les galeries du palais la
nuit, et Déagéant me conseilla de rabattre mon chapeau sur les yeux et de me
boucher le visage de mon manteau, ainsi d’ailleurs, que de prendre épée et
dague. Lui-même, me dit-il, portait une dague à l’italienne, fixée derrière son
dos sous son pourpoint. Pour notre porte-lanterne, qui fut aussi notre
hallebardier, je choisis Robin, lequel m’était connu pour sa robusteté. Nos
soins, m’expliqua Déagéant, étaient de pure précaution. Les mauvais garçons,
disait-on, sévissaient partout, et même dans le Louvre, mais en ce qui le
concernait, il n’avait jamais rencontré dans ses nocturnes

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