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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Conchine et sa mère pour faire le vide autour de lui.
    Nous ayant ainsi remerciés, sans phrases, mais avec une
émotion qui lui venait du cœur et qui fit briller ses beaux yeux noirs, Louis,
quand il en vint à définir l’objet de cette réunion, fut tout aussi court et
concis.
    — Messieurs, vous n’ignorez pas le déplaisir que
m’apporte la façon dont on gouverne ce pays, le peu de compte que l’on fait de
ma personne et le fait qu’on ne me laisse aucune part aux affaires du royaume.
    Il fit une pause, comme s’il était lui-même étonné d’avoir
prononcé une phrase aussi longue. Et il conclut abruptement :
    — Il faut y pourvoir. Messieurs. C’est à vous d’en
trouver les moyens.
    Puis, pris d’une sorte de scrupule, il ajouta une remarque
qui me parut fort révélatrice :
    — Je voudrais tenter les plus doux plutôt que d’en
venir aux extrêmes.
    Ce qui me donna incontinent à penser que, tout en réservant
pour l’instant « les extrêmes », Louis les avait déjà envisagés et ne
les excluait pas, si « les plus doux » venaient à faillir.
    Après que Louis eut fini de parler, personne ne pipa mot
pendant un long moment, chacun, à ce que j’imagine, étant, comme moi, perplexe
sur ce qui pouvait être tenu comme un « moyen doux » quand il
s’agissait de se débarrasser de Conchine.
    — Prenez librement la parole, dit le roi au bout d’un
moment, et sans quérir de moi à chaque fois la permission de parler.
    — Sire, dit enfin Monsieur de Luynes, il serait assurément
possible, quand Votre Majesté se rend à Saint-Germain, escortée par sa
compagnie de chevau-légers, de sauter en selle une fois sur place et à francs
étriers de gagner Rouen.
    — Rouen ? dit Monsieur de Modène. Rouen est bonne
ville, assurément, et fidèle. Mais bien trop proche de Caen, où règne Conchine
avec ses troupes et ses canons.
    — En effet, dit Monsieur de Luynes, et s’apercevant que
dans sa hâte à fuir, il avait mal choisi son refuge, il reprit : Eh bien,
disons Amboise, qui est à moi.
    — Amboise est beau château, sans doute, dit Monsieur de
Marsillac, mais peu défendable, si l’on ne dispose que d’une compagnie de
chevau-légers.
    — Et surtout, dit Déagéant, à qui cette fuite fort
visiblement ne disait rien qui valût, une fois que Sa Majesté sera à Amboise,
que fera-t-Elle ?
    — Elle pourrait, dit Luynes d’une voix quelque peu
hésitante, mander à ceux qui se tiennent pour ses fidèles sujets de le venir
rejoindre.
    — Et si personne ne vient ? dit Déagéant.
    — Et si personne ne vient, répéta Tronçon, le roi se
trouvera dans une situation fausse et humiliante. Cette fuite à Amboise nous
ferait courir un risque disconvenable à sa dignité.
    Un silence suivit ces paroles et Monsieur de Luynes n’étant
aucunement disposé à tirer l’épée pour défendre son projet, celui-ci, à peine
conçu, fut enterré. Je sus gré à Monsieur Tronçon de lui avoir donné le coup de
grâce, car j’en trouvais l’idée singulièrement mal venue pour toutes les
raisons qui avaient été dites, mais aussi parce que cela me donnait de l’humeur
que le roi de France quittât le Louvre pour se mettre à la fuite devant un vil
aventurier.
    L’intervention de Monsieur Tronçon attira mon attention sur
lui. Je l’envisageai avec soin et ce que je vis me plut. Il me parut être du
même solide métal que Monsieur Déagéant.
    Comme le silence en se prolongeant devenait gênant pour
tous, quelqu’un – je crois bien me ramentevoir que ce fut Monsieur de
Marsillac – suggéra que le roi s’adressât à la reine-mère pour lui
témoigner de son désir extrême de prendre en main le gouvernement de son État.
    — Cela ne serait d’aucune usance, dit Louis. Dès que
j’en touche fût-ce le moindre mot à la reine ma mère, elle se fâche.
    — Alors, dit Monsieur de Modène, qui était grand joueur
de billard, si l’on ne peut toquer la boule directement, il faut la toucher par
la bande, et envoyer à Sa Majesté la reine un messager honorable qui, parlant
en son nom, lui ferait entendre que le renvoi des maréchaux d’Ancre est la
seule solution à nos maux.
    — Mais, dit Monsieur de Luynes avec d’autant plus
d’empressement qu’il était partisan des moyens « les plus doux »,
j’ai justement sous la main quelqu’un qui ferait bien l’affaire. C’est Monsieur
de l’Estang, évêque de Carcassonne, lequel se trouve ce jour

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