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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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m’ayant désigné un siège, elle me dit d’une voix basse et
enrouée en me montrant une porte qui s’ouvrait dans la pièce où je me
trouvais :
    — La marquise dort. Elle vous recevra après ce
gentilhomme.
    C’était donc là la troisième porte que j’aurais à franchir
avant de pouvoir pénétrer dans le sanctuaire où la divinité du lieu recevait
les requêtes et les offrandes des pèlerins. Je m’assis et jetai un œil au
quidam qui devait passer avant moi.
    — Monsieur, dis-je, en le saluant, mais sans songer à
me nommer, je suis votre serviteur.
    — Serviteur, Monsieur, dit-il, je suis Antoine Allory,
seigneur de la Borderie.
    À cet échange succéda un assez long silence que nous
occupâmes l’un et l’autre à nous observer d’un œil en apparence distrait,
tandis que Marcella, sans faire plus de cas de nous que si nous avions été des
meubles, promenait sur les petits carreaux de la fenêtre un chiffon nonchalant.
Mais cet exercice fut interrompu par Marie Brille qui, passant sa tête dans
l’entrebâillement de la porte, lui fit un signe du doigt pour l’appeler dans sa
cuisine.
    Libéré de sa présence, Antoine Allory m’envisagea alors œil à
œil avec une insistance que je jugeai passablement effrontée. Tant est que je
ne tardai pas à lui rendre la pareille en le regardant tout à plein. À vrai
dire, je n’aimais guère ce que je vis : un grand gros homme assez commun
avec une face rougeaude dans laquelle brillaient des yeux durs et méfiants. Ah
certes ! Il n’avait pas lésiné sur les perles de son pourpoint, le panache
de son chapeau, les bagues qui alourdissaient ses doigts et les pierreries qui
étincelaient sur le pommeau de son épée – de laquelle je doutais fort
qu’il sût se bien servir, étant si lourd.
    Toutefois, le quidam continuant à me regarder fixement d’un
air de moins en moins amical, je me souvins des recommandations de mon père et
pour éviter une querelle que je sentais poindre – Dieu sait pour quelle
raison ! – je détournai les yeux et considérai le plafond. Mais ce
retrait, qu’Allory prit sans doute pour une reculade, eut l’effet contraire à
ce que j’en espérais. Posant les mains sur ses genoux, il tourna de mon côté un
visage écarlate et les éclairs jaillissant de ses yeux, il me dit d’une voix
basse et furieuse :
    — Monsieur, si vous êtes céans, comme je le crois, pour
contrecarrer mes projets, sachez que, même la tête sur le billot, je n’en
démordrai pas. Les cinq fermes m’ont été adjugées au Louvre au Conseil du roi
par des enchères publiques. Tout s’est passé dans les règles. J’ai obtenu un
bail de huit ans pour ces cinq fermes au prix de huit cent quatre-vingt-six
mille livres et je donnerai un coup de pistolet dans la tête du faquin qui
tâcherait, en tapinois, de me ravir mon bail !
    — Monsieur, dis-je, béant, j’ignore de quoi vous
parlez.
    — Bagatelle ! Faribole ! reprit-il, très à la
fureur, quoique parlant toujours à voix basse. Voulez-vous m’en donner à
garder ? Et me faire croire que vous n’avez jamais ouï parler de Pierre de
La Sablière ?
    — En effet.
    — Ni de l’infâme Giovannini ? (Il prononça ce mot
en baissant la voix jusqu’au murmure.)
    — Moins encore.
    — Et que vous ignorez que le premier en cette affaire
n’est que le prête-nom du second pour la raison que Sully a interdit de bailler
les fermes aux Italiens ?
    — Monsieur, dis-je avec la dernière sécheresse, je suis
le chevalier de Siorac, premier gentilhomme de la Chambre du roi. J’ignore tout
de ce conte dont vous me crochetez les oreilles. Je ne connais ni La Sablière,
ni Giovannini. Je ne sais si le premier est le prête-nom du second et je
n’entends rien aux brouilleries dont les cinq fermes sont l’objet.
    — Monsieur, si je peux me permettre d’interrompre votre
récit, moi non plus je n’y entends rien.
    — Vous, belle lectrice ?
    — Où sont, Monsieur, ces cinq fermes ? Pourquoi
sont-elles si coûteuses et pourquoi faut-il quelles soient adjugées devant le
roi après enchères à ce croquant pour un prix prodigieux ?
    — Allory, Madame, n’est pas un croquant, mais un
financier. Ces fermes ne sont pas des fermes campagnardes, mais des impôts que
le roi afferme à ce financier (ou à d’autres) pour un prix en effet très
élevé, à charge pour lui de se rembourser en levant les-dits impôts sur le pauvre
peuple.
    — Quel est

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