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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Montalto du Portugal pour soigner
la marquise.
    — Mais d’où avait-elle su son nom et son pays ?
    — Par son parfumeur royal, le Senor Maren, juif lui
aussi. Montalto est son neveu.
    — De Lizza et de Montalto, lequel selon toi a le plus
d’influence sur la marquise ?
    — Je n’en prendrais pas la gageure. Andréa de Lizza est
fort mêlé à la vie de la dame. Il est à la fois son secrétaire, son maître
d’hôtel et son musicien, car elle trouve quelques répits à ses douleurs en
l’écoutant chanter des airs florentins, tandis qu’il pince les cordes de son
guitaron.
    — Et Montalto ?
    — Montalto a amené par ses soins du mieux dans son état
et à ce que j’ai ouï dire, la marquise le vénère en tant que médecin,
philosophe et magicien.
    — Je choisis Montalto.
    — Vous choisissez le juif, Monsieur le Chevalier ?
dit La Barge en pâlissant. Mais comment le pourrais-je aborder ? C’est
péché que de parler aux juifs.
    — Qui dit cela ?
    — Mon confesseur.
    — Et pourquoi est-ce un péché ?
    — Parce que les juifs ont condamné à mort notre
Seigneur Jésus.
    — Et les Romains l’ont exécuté. Si je t’emmène un jour
à Rome, refuseras-tu de parler à ses habitants ?
    — Ce ne sont pas les mêmes Romains.
    — Ce ne sont pas non plus les mêmes juifs.
    Cet argument le laissant bouche bée, je repris :
    — Tu n’aurais de reste pas à parler à Montalto, mais à
lui remettre un billet de ma part et à ouïr sa réponse.
    — Je ferai votre commandement, Monsieur le Chevalier,
dit La Barge, plus impressionné par mon ton sans réplique que convaincu par mes
raisons.
    Le jour même où La Barge aventura le salut de son âme en
allant trouver Montalto, il mio piccolo salone [17] , comme
on disait alors au Louvre pour désigner le cabinet où l’on reçoit, fut paré des
« rebuts » de ma bonne marraine, lesquels me parurent si beaux et si
neufs que c’eût été vraiment pitié que de les laisser manger par les souris
dans les greniers de l’hôtel de Grenelle. Mon père, fort occupé alors par une
affaire de toiture en sa seigneurie du Chêne Rogneux, délégua La Surie pour
admirer ma décoration : ce qu’il fit en conscience, mais non sans tirer au
départir sa flèche du Parthe, s’inquiétant, dit-il, de me voir « d’ores en
avant vautré dans le luxe, sinon dans la luxure ».
    Montalto me vint visiter le lendemain soir sur le coup de
neuf heures et parut fort touché que je le fisse asseoir (sur une de mes
chaires de velours cramoisi galonné d’or) et que je l’invitasse à boire en ma
compagnie un verre de vin de Cahors. Il fut servi par La Barge, blême de
l’effort que j’exigeais de lui et non par Louison qui, épouvantée par l’horreur
de cette visite, s’était réfugiée dans la chambre.
    Montalto n’avait que la peau sur les os et me parut assez
mal allant. Voilà bien les médecins, pensai-je : ils prétendent guérir les
autres et ne savent point se guérir eux-mêmes. Le visage de Montalto était, en
fait, si maigre qu’il avait des creux à la place des joues et qu’on voyait
bouger, quand il parlait, les muscles de sa mâchoire. Quant à son crâne, il
était de tous côtés si irrémédiablement privé de cheveux qu’il était difficile
de savoir où commençait son front, lequel toutefois me parut bien modelé et à
sa base fort bien souligné par d’épais sourcils noirs et de magnifiques yeux
verts. Montalto en usait beaucoup, ainsi que de sa voix qui était basse et bien
timbrée et de ses mains longues, expressives et si déliées qu’elles vous
donnaient le sentiment qu’elles allaient faire d’un moment à l’autre apparaître
une colombe au bout de leurs doigts.
    Je m’enquis de prime de la santé de la marquise et, à ma
grande surprise, Montalto répondit à cette question de pure courtoisie par un
assez long propos qui, à ce que je supposai, lui donnait le temps de me bien
examiner et de se former une opinion de moi.
    — La marquise, dit-il, souffre des nerfs et aussi d’une
fièvre quarte qui provoque en elle cette humeur mélancolique et hypocondriaque
où on la voit. Elle vit dans les souffrances, mais aussi dans les angoisses,
dont la pire est de manquer d’argent. Elle est si tourmentée que si on lui
donnait demain le Trésor de France et celui des Espagnes elle n’en serait pas
encore satisfaite. Il n’y a pas de fond à ce tonneau-là. Il n’y en a pas non
plus aux

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