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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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m’assaillit et me fit trembler comme une feuille.
     
    *
    * *
     
    Le mois de janvier 1611, bien qu’il ne fût point tant
rigoureux que celui de 1608 qui gela la rivière de Seine et fit mourir bon
nombre de Parisiens et de froid et de faim, s’avéra néanmoins assez âpre pour
que le bois de chauffage renchérît prou. Et sur les ports de la capitale et en
particulier au plus proche du Louvre, celui du Quai au Foin, il y eut telle
presse pour acheter les bûches amenées d’amont sur les gabarres qu’on vit dans
la bousculade plusieurs pauvres gens choir dans l’eau glacée et s’y noyer. Ce
qui fit gronder et grogner le populaire contre le lieutenant civil dont la
police ne faisait rien, ni pour empêcher ces échauffourées ni pour repêcher
lesdites gens.
    Ce lieutenant civil, qui s’appelait Le Geay, était le même
dont les commissaires, vérifiant les pains façonnés par Mérilhou (le mari de
Toinon) et les trouvant inférieurs au poids qu’ils eussent dû avoir, donnèrent
à notre boulanger le choix, ou d’acquitter l’amende ou de cracher au bassin. Et
quand dans ledit bassin Mérilhou eut craché, il eut aussi l’amende.
    Le Geay avait acheté sa charge de lieutenant civil
quatre-vingt mille écus et son unique pensée n’était point d’assurer la
sécurité des Parisiens, mais de rentrer dans ses fonds. Le bruit courait que
par an il se remboursait de vingt mille écus.
    Le douze janvier, comme je traversais le Pont Neuf à cheval
par un âpre vent, suivi de La Barge monté sur un genet d’Espagne qui, malgré sa
petite taille, paraissait encore beaucoup trop grand pour lui, nous vîmes au
carrefour de la rue Dauphine un assez grand concours de peuple entourer un
gibet.
    La Barge me devançant pour demander pour moi le passage, la
foule s’écarta d’assez mauvais gré et je me trouvai quasiment devant les
gardes, l’exempt qui les commandait, le bourreau, son aide et le condamné qui,
debout, pieds et mains liés, attendait qu’on lui mît la corde au cou. C’était
un garcelet qui n’avait pas quinze ans, fort maigre, l’œil plus effaré que
craintif et qui claquait des dents, non point tant de peur que de froid, car il
gelait à pierre fendre et il n’était vêtu que d’une chemise de toile rapiécée
et d’un haut-de-chausses en loques. Je bridai mon cheval en le voyant.
    Un huissier emmitouflé achevait de lui lire la sentence
faite d’un baragouin de latin et de français, mais qui concluait clairement que
le prisonnier devait être pendu par le cou jusqu’à ce que la mort s’ensuivît.
Là-dessus, ayant roulé son parchemin, l’huissier s’en alla, fort pressé de
retrouver son logis calfeutré et le feu de sa cheminée – sa retraite, ou
pour mieux dire, sa fuite étant accompagnée par les murmures de la foule.
    — Qu’a donc fait le petit drôle ? dis-je. À son
âge, le galapian ne peut être bien méchant.
    — Il a volé une bûche, dit l’exempt d’un ton roide.
    — La mort pour une bûche !
    — La loi est la loi, dit l’exempt.
    — Mais elle n’est point la même pour tous, dit une
commère qui me rappela Mariette, étant comme elle forte en tétins et bien
fendue de gueule. Et comment, reprit-elle, ce pauvret aurait-il pu acheter une
bûche, n’ayant pas liard en poche ? Il est si mal vêtu qu’il est tout bleu
de froid !
    — Ah bah ! dit l’exempt. C’est gibier d’enfer que
ce gringalet. Et là où il va, il aura chaud.
    À cela les gardes rirent et la foule gronda.
    — Exempt ! dit un moine qui se trouvait là, il ne
vous appartient pas de préjuger du jugement de Dieu !
    — Bien dit, mon révérend père ! cria la commère.
    — Il est de fait, dit le bourreau qui disposait sa
corde sur le gibet avec une lenteur exaspérante, que j’aurais maigre profit
avec les loques de ce gueux.
    Mais à ce bas propos personne ne consentit à répondre, tant
le bourreau inspirait de mépris et de crainte.
    — Mon gentilhomme, reprit la commère en s’adressant à
moi, vous ne m’avez pas l’air impiteux. Si vous baillez un demi-écu à l’exempt
et un demi-écu au bourreau, le premier permettra au second d’étrangler le
pauvret avant que de le pendre.
    — Et où serait pour lui l’avantage ?
    La naïveté de cette question provoqua rires et ricanements
dans la foule.
    — Silence ! cria la commère.
    Et telle est l’autorité d’une voix forte sur une foule que
le silence se fit.
    — Mon gentilhomme,

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