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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les armes de jet, arcs et arbalètes.
    — Quand j’étais plus petit, on ne me voulait pas donner
de bâtons à feu et je tirais beaucoup avec ces petites armes-là. Et parmi les
arbalètes, celle que je préférais était celle-ci…
    Il la décrocha et me la mit dans les mains. Je reconnus
alors celle que je lui avais offerte trois ans plus tôt dans les jardins de
Saint-Germain-en-Laye après en avoir joué avec lui, l’ayant pris pour le fils
du capitaine de Mansan qui commandait alors les gardes du château.
    — C’est une belle arme, dit-il en me la reprenant des
mains, et on peut se fier à elle. Je l’appelle « Siorac ».
    — Elle vous sera toujours fiable, Sire. N’en doutez
pas ! dis-je en rougissant de bonheur.
    — Je le crois, dit-il du ton le plus uni, en remettant
l’arme en place.
    Puis se tournant vers moi et approchant sa tête de la
mienne, il dit à voix basse :
    — Je me souviens avoir ouï dire à mon père que Monsieur
de Sully lui était un très bon serviteur. Qu’en pensez-vous ?
    — Sire, dis-je, surpris, le roi votre père ne se
trompait pas : Monsieur de Sully, à ce que m’a dit le mien, a
merveilleusement ménagé les finances en ce royaume.
    Louis m’ouït en tournant les yeux de-ci de-là sans avoir
l’air d’écouter ma réponse. Mais je ne pus douter qu’il ne l’eût ouïe, car il
me demanda à mi-voix d’un air indifférent :
    — Et qu’a-t-il fait d’autre ?
    — Il a construit ou reconstruit les routes et ponts de
France. Et en tant que Grand Maître de l’Artillerie il a constitué un
formidable arsenal.
    Là aussi il parut ne pas entendre et, envisageant la
montre-horloge qu’il portait à son cou, il me dit d’un ton rapide et
expéditif :
    — La visite est finie. Il me faut maintenant étudier.
    Et me devançant d’un pas vif, il sortit de l’armurerie, fit
signe à Descluseaux de reclore la porte derrière moi, redescendit en ses
appartements et gagna la petite table où l’attendaient ses livres. C’était une
leçon de mathématiques et il me parut attentif.
    Je demeurai debout avec ceux qui étaient là et plutôt qu’à
côté d’Héroard, je me plaçai en tapisserie à côté de Vitry. Fils du Vitry qui
avait si bien servi notre Henri de son vivant et comme lui capitaine aux
gardes, Vitry le jeune avait comme son père des manières rudes, et une âme
téméraire, n’ayant pas hésité à briser une prison d’État pour en faire sortir
un de ses soldats qu’il tenait pour innocent. Je lui glissai à l’oreille :
« J’ai vu votre “grosse Vitry’’. C’est une belle arme. –
Oui-da ! oui-da, dit-il d’un air content. C’est une belle arme et le bon
de la chose, c’est que le roi sait s’en servir. » Mais Monsieur de Souvré
ayant ouï du bruit et tourné vers lui un œil désapprobateur, il se tut.
    Pour moi, je me demandai pourquoi Louis m’avait posé ces
questions sur Sully, alors qu’il ne pouvait point ne pas savoir que ce grand
serviteur de l’État était surintendant des Finances, grand voyer de France [20] et grand maître de l’artillerie.
Mais peut-être au-delà des faits tâchait-il de connaître à travers moi
l’estimation qu’en faisait mon père qui, comme Sully, avait été un des plus
anciens compagnons du feu roi.
    Toutefois, les petits problèmes que je me posais au sujet de
ces étranges questions furent résolus quelques minutes plus tard, car la leçon
finie, Louis se leva, remercia son précepteur, rangea ses livres et, se
tournant vers Monsieur de Souvré, demanda :
    — L’on a ôté Monsieur de Sully des Finances ?
    Les bras m’en tombèrent : je ne connaissais pas encore
ce calamiteux renvoi. Tout enfermé qu’il fût dans ses appartements et quasi au
secret, Louis était mieux renseigné que moi.
    — Oui, Sire, dit Souvré, d’évidence aussi surpris que
je l’étais que son pupille eût appris si vite la nouvelle.
    Il n’osait toutefois pas lui demander de qui il la tenait
car le roi, Souvré en avait fait trop souvent l’expérience, ne trahissait
jamais ses sources.
    — Pourquoi ? dit Louis, en prenant un air étonné.
    Monsieur de Souvré parut embarrassé. C’était un grand, gros
homme, plus tatillon que méchant, plus dévot que pieux, plus borné que
véritablement sot, très à cheval sur l’étiquette et ne voyant jamais plus loin
que son nez camus. Il n’entendait que peu de choses à ce qui se passait dans
l’esprit de son pupille.

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