L'énigme de l'exode

soit en grès. On commence donc par les classer en fonction de leur nature. La composition de la pierre peut aussi se révéler utile, car les murs étaient souvent bâtis à partir de blocs issus d’une même carrière. Cet indice n’est néanmoins pas suffisant. On peut également analyser les résidus de peinture et évaluer le degré d’érosion. Les talatates peuvent être décolorés par le soleil ou, s’ils se trouvaient à proximité d’une conduite qui a fui, être marqués par la même trace d’eau. Lorsqu’on a épuisé tous les indices, on essaie de reconstituer les scènes. En général, les talatates sont décorés soit sur carreau, c’est-à-dire sur le grand côté, soit sur boutisse, c’est-à-dire sur le petit côté. Or, les Égyptiens plaçaient les pierres alternativement en carreau et en boutisse. C’est une indication précieuse. Ensuite, il suffit d’assembler le tout de façon cohérente. Heureusement, de nombreuses scènes sont des répliques l’une de l’autre ou de scènes déjà reconstituées à partir de talatates trouvés ailleurs. Par conséquent, on sait ce que l’on cherche.
    — Mais ce n’est pas toujours le cas, risqua Lily d’un air perspicace.
    — Non, admit Gaëlle, pas toujours.
    — Vous avez trouvé quelque chose, n’est-ce pas ? C’est pour ça que vous m’avez amenée ici.
    — Peut-être.
    — Eh bien ! Parlez !
    — Oh, soupira Gaëlle en baissant les yeux, je crois que Fatima se fera un plaisir de vous l’annoncer elle-même.

    II
    Knox prit une des oreilles flétries et constata que les tissus étaient moins ternes à l’emplacement de la coupure, comme si celle-ci était récente. Il fouilla les loculi et trouva rapidement une momie dont il manquait l’oreille droite, puis une autre. Déconcerté, il resta interdit jusqu’à ce qu’il se souvienne que son temps était compté. Il avait déjà dépassé le délai qu’il s’était accordé. Il devait sortir de là immédiatement.
    Il retourna en courant vers l’atrium, remonta l’escalier mais, arrivé en haut, il entendit un moteur et vit les phares du pick-up balayer l’entrée du puits. Il n’eut que le temps de se baisser et de retourner dans l’atrium.
    Comme Griffin et ses hommes stockaient tout dans les catacombes, il s’enfonça dans la galerie de droite. Il arriva dans une autre salle, dont le sol était orné d’une immense mosaïque, composée de tesserae récemment nettoyées mais usées par des marques de pas anciennes. Un personnage d’allure grotesque était assis en lotus, nu, à l’intérieur d’une étoile à sept branches entourée de groupes de lettres grecques. Knox prit une photo, puis une deuxième, et entendit dans la galerie le souffle rauque d’un homme qui peinait à porter une caisse. Il s’enfonça encore plus loin dans le site, au cœur d’un réseau de galeries et de salles ornées de peintures murales : un homme et une femme nus, les mains tendues vers le soleil en signe de supplication ; Priape caché derrière un arbre ; un crocodile, un chien et un vautour dans une attitude de jugement ; Dionysos étendu sur une couche, au milieu de pieds de vigne, de feuilles de lierre et de pommes de pin. Knox prenait sa dernière photo lorsqu’il entendit des bruits de pas. Faisant volte-face, il se retrouva face à Griffin, qui plissait les yeux dans l’obscurité semée de rares taches de lumière.
    — Révérend, c’est vous ? demanda Griffin.

    III
    Au commissariat, l’inspecteur Naguib Hussein rédigeait son rapport. Gamal, son chef, entra sans prévenir.
    — Dites, grogna-t-il, vous n’avez pas une femme et une fille qui vous attendent à la maison ? Comment se fait-il que vous soyez encore ici ?
    — Je croyais que vous ne vouliez pas qu’on prenne de retard dans la paperasse.
    — En effet, admit Gamal en s’asseyant sur le coin du bureau. Paraît que vous avez trouvé un corps dans le désert Oriental.
    — C’est vrai.
    — Meurtre ?
    — La fille avait le crâne défoncé. Elle était enveloppée dans une bâche et enterrée sous le sable. Je dirais que le meurtre est une possibilité.
    — Elle était copte, c’est ça ?
    — C’était une gamine.
    — Très bien, menez votre enquête comme vous voulez, mais ne faites pas de vagues. Ce n’est pas le moment.
    — Que voulez-vous dire ?
    — Vous savez parfaitement de quoi je veux parler.
    — Je vous assure que...
    — Vous n’avez toujours pas compris qu’il y a des moments où on