L'énigme des blancs manteaux
ne lui étaient qu'approximativement connues.
Il entendit une lame s'enfoncer en vibrant dans la tapisserie de la muraille. Il devait résister à la tentation de riposter. Son idée était autre, et il décida de demeurer sur place. La cage n'était pas très pesante mais, alourdie par la redingote, son poids devenait insupportable et il sentait son bras s'engourdir et trembler. Bientôt, la crampe surviendrait. Il se mit à balancer l'ensemble d'avant en arrière pour produire un léger bruit et surtout leurrer Mauval par le déplacement d'air produit. Une nouvelle pointe survint là où il ne l'attendait pas, sur sa gauche. L'épaule éraflée, il laissa échapper une exclamation qu'il eut la présence d'esprit de transformer en plainte d'homme blessé. Il se baissa aussitôt et l'attaque suivante passa juste au-dessus de sa tête. Il se redressa et agita violemment la cage. Mauval s'était sans doute rapproché pour achever sa proie. Il devait sentir la redingote devant son visage et, n'ayant été l'objet d'aucune attaque en réponse aux siennes, pouvait croire Nicolas gravement touché. Son épée s'enfonça dans le manteau, entre deux barreaux de la cage, sans toucher le jeune homme. Nicolas pivota en force, bloquant ainsi l'arme de Mauval. Sachant dès lorsexactement où se trouvait son adversaire, il lança sa pointe et sentit son épée glisser sur un obstacle dur puis entrer dans un corps. Il entendit un long soupir, puis le bruit d'une masse qui s'affaissait. Sur le coup, il soupçonna une ruse semblable à la sienne. Il reprit sa progression vers la porte en appréhendant une nouvelle attaque. Mais rien ne vint et il finit par en atteindre la poignée qu'il abaissa avec fièvre. La porte s'ouvrit et, après avoir écarté la portière de velours qui en protégeait l'accès, il fut enveloppé de la lumière rougeoyante du crépuscule qui donnait dans le corridor par l'œil-de-bœuf surmontant la porte.
En se retournant vers le salon, Nicolas distingua, au milieu des meubles renversés, une masse informe immobile sur le sol. Saisissant un bougeoir, il l'alluma et s'avança dans la pièce. Les glaces opposées multipliaient son reflet à l'infini. Il s'approcha prudemment du corps recroquevillé dans ses voiles, le tâta du bout de son épée et le poussa du pied. Le cadavre roula sur le dos et laissa apparaître le visage de Mauval. Les yeux verts fixaient désormais le vide et la figure du démon avait, sous la couche grotesque des fards, repris son aspect angélique.
Privé de sentiment ce regard accusait Nicolas qui ne put en supporter la fixité ; il lui ferma les yeux. Il constata la précision de son coup d'épée, tiré en plein cœur. Seul, pourtant, le hasard avait dirigé sa main. Ce fut alors qu'il prit conscience d'avoir tué un homme. Toute la tension de la lutte tomba et une immense lassitude s'empara de lui. Certes il n'avait fait que défendre sa propre vie, mais rien, aucune justification, ne pouvait dissiper le sentiment, — le remords, même — d'avoir ôté la vie à l'un de ses semblables, et il savait déjà que ce sentiment ne le quitteraitplus. Dans le même temps, il savait devoir vivre désormais avec cette douleur et ce souvenir.
Le jeune homme tenta de se ressaisir et partit à la recherche de Bourdeau. Au bout du corridor, une porte ouvrait sur un office prolongé par un réduit donnant sur le jardin. Il tomba sur Bourdeau qui attendait là, l'air anxieux.
— Peste, monsieur, vous voilà tout pâle ! J'avais sans doute raison de m'inquiéter. Que vous est-il arrivé ?
— Ah ! Bourdeau, je suis bien aise de vous voir...
— Je vois cela. Vous avez l'air d'un spectre, si tant est que j'en ai jamais vu. Le temps m'a paru bien long!
— J'ai tué Mauval.
Bourdeau le fit s'asseoir sur le rebord de pierre du soubassement de la maison.
— Mais vous êtes blessé ! Votre habit est déchiré et vous saignez.
Nicolas sentit la douleur au moment où l'inspecteur lui signalait la blessure.
— Ce n'est rien. Une simple éraflure.
Il se mit à raconter avec volubilité son combat contre Mauval. Bourdeau hocha la tête comme à son habitude et lui mit la main sur l'épaule, le secouant un peu.
— Vous n'avez rien à vous reprocher. C'était lui ou vous. Une belle canaille de moins. Vous vous habituerez à ce genre de rencontre. Je me suis trouvé moi-même, à deux reprises, contraint à me défendre dans des circonstances analogues.
Ils regagnèrent l'intérieur de la
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