L'énigme des blancs manteaux
Satin avait raison, ce n'était pas une mauvaise femme, même si son négoce la conduisait à tutoyer dangereusement les rivages du crime.
Ils demeurèrent tous les trois, lui et les deux femmes, silencieux dans la pièce. Nicolas ne souhaitait pas interroger Marie Lardin devant un tiers. Après un long moment, Bourdeau revint et fit signe à Nicolas que tout était achevé. Ils quittèrent le Dauphin couronné, Bourdeau avec la Paulet dans une voiture et Nicolas dans l'autre avec Marie. Celle-ci s'était calmée ; seuls quelques gros soupirs lui échappaient encore. Elle regardait Nicolas avec admiration.
— Mademoiselle, pardonnez-moi, mais je dois vous poser quelques questions.
— Permettez-moi d'abord de vous remercier, Nicolas. Je comprends que la fille a fait ma commission...
Elle le regardait de biais.
— Vous la connaissez bien ? Depuis longtemps ?
C'était lui qui se trouvait sur la sellette... Il hésita un moment, mais ne crut pas devoir dissimuler la vérité.
— C'est une très bonne amie et depuis longtemps.
Marie eut une moue de mépris.
— Alors, vous êtes comme les autres... Et avec une fille de mauvaise vie !
Nicolas explosa.
— Mademoiselle, il suffit. Vous voilà libérée. J'ignore si vous savez à quoi vous avez échappé, mais je suis sûr d'une chose : dans de certaines circonstances, il vaut mieux compter sur certaines filles de mauvaise vie plutôt que sur les honnêtes femmes. Et la moindre des choses, quand on leur doit son salut, c'est de leur être reconnaissante d'avoir eu pitié et d'avoir tenu parole. Vous plaît-il de répondre à mes questions et de me raconter de quelle manière vous vous êtes retrouvée chez la Paulet ?
— Je l'ignore, monsieur, répondit la jeune fille qui ne l'appelait plus Nicolas. Je me suis retrouvée enfermée dans cette pièce où vous m'avez découverte. J'étais fort étourdie, malade, la tête lourde. La Paulet a voulu me convaincre de me livrer à un commerce infâme. Puis cette fille est venue insister. Comme je pleurais, elle s'est apitoyée et j'ai tenté de la soudoyer. Je ne risquais rien d'essayer. Soit elle ferait ce que je lui demandais, soit elle refuserait, et ma situation ne s'en trouverait guère aggravée.
— Avez-vous une idée du jour de votre enlèvement ?
— Mes souvenirs sont confus. Je pense que ce devait être mercredi de la semaine dernière. Je croisque ma marâtre avait surpris notre conversation le soir où j'ai tenté de vous mettre en garde, si vous vous souvenez, monsieur.
— Je me le rappelle fort bien. Autre chose : votre père vous a-t-il, à un moment ou à un autre, fait parvenir un message ?
Elle ouvrit la bouche, indignée.
— Vous avez fouillé ma chambre ! De quel droit ?
— Pas seulement votre chambre, toute la maison. Mais je conclus de votre réaction que vous avez bien reçu quelque chose. Le détail est d'importance, répondez-moi.
— Un billet dont la signification m'a échappé et qui ne vous dirait rien. Il me l'avait glissé dans la main la dernière fois que je l'ai vu, la veille de sa disparition. Avez-vous des nouvelles de mon père ?
— Vous rappelez-vous les termes de ce message ?
— Il était question de choses qu'on devait au roi. J'ignore à quoi il faisait allusion. Mon père m'avait seulement recommandé de garder précieusement ce papier. Je l'ai placé dans un tiroir et je l'ai oublié. Mais, monsieur, vous m'obsédez de questions. Et mon père ?
Nicolas eut l'impression qu'elle allait se mettre à trépigner comme une enfant. La pitié le prenait. Il n'y avait aucune raison de lui dissimuler la vérité. À première vue elle n'était guère suspecte et deux témoins, la Satin et la Paulet, pourraient confirmer ses dires.
— Mademoiselle, il vous faut être courageuse.
— Courageuse ? dit-elle en se dressant. Vous ne voulez pas dire...
— Hélas, je suis au désespoir de devoir vous annoncer que votre père est mort.
Elle mordit son poing pour ne pas hurler.
— C'est Descart ! C'est lui ! Je vous l'avais dit. Elle l'a forcé. Mon Dieu, que vais-je devenir ?
— Comment savez-vous qu'il a été assassiné ?
— Elle en avait parlé, oui, avec lui.
La jeune fille se remit à pleurer. Nicolas lui tendit son mouchoir et la laissa se calmer.
— Vous vous trompez, dit-il. Descart est mort lui aussi, assassiné comme votre père.
— Alors, c'est le docteur Semacgus.
— Pourquoi songez-vous à lui ?
— Il ne peut s'agir que d'un des amants de ma
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