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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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désignantle livre qu'il était en train de lire, je me console en dévorant Le Cuisinier de Pierre de Lune. Je me sustente en salivant. Savez-vous que ce grand maître d'une vraie cuisine était écuyer de bouche du duc de Rohan, petit-fils du grand Sully. C'est l'inventeur du paquet d'herbes 81 , du bœuf mode et de la farine frite 82 . Et de plus, ajouta-t-il en lorgnant la bouteille vénérable que Marion posait sur la table, le vin m'est interdit. Quand je suis rassasié de lectures gourmandes, je prends mon vieux Montaigne. Il me conforte dans la résistance à cette chienne de goutte. Écoutez : « La douleur se rendra de bien meilleure composition à qui lui tiendra tête. Il faut opposer et bander contre. » Je m'y essaye ! Malpeste, je vois que le récit de mes souffrances ne modère pas votre appétit ! C'est le fait d'une âme tranquille.
    Nicolas releva la tête, confus de s'être laissé surprendre à bâfrer de la sorte. La nourriture chaude et savoureuse lui insufflait une énergie nouvelle.
    — Mille regrets, monsieur. Les événements de la journée...
    — ... vous ont donné une faim carnassière.
    — Monsieur, puis-je solliciter votre avis sur tout cela?
    Le vieux procureur baissa la tête en plissant les yeux. Il paraissait plongé dans une profonde méditation. Ses bajoues s'étalaient autour du menton comme une fraise de chair.
    — À vrai dire, fit-il en hochant la tête, rien n'est réglé. Cependant, vous disposez de beaucoup d'éléments qu'il vous reste à ordonner. Réfléchissez longuement aux circonstances de votre enquête. Pesez sur la balance impartiale de votre jugement les preuves et les présomptions. Et puis ensevelissez-vous dans un profond sommeil. L'expérience m'a souventprouvé que la solution s'impose à nous au moment où on y pense le moins. Et pour dernier conseil, je vous dirai ceci : il faut mettre le feu aux poudres pour faire éclater la vérité. Si vous n'avez pas de feu, feignez d'en avoir.
    Il regarda Nicolas avec une lueur d'ironie dans les yeux. Cette petite satisfaction fut payée d'une remontée de douleur qui le fit grimacer et pousser de petits gémissements. Nicolas comprit qu'il était temps de laisser reposer son vieil ami. Après lui avoir souhaité une bonne nuit, il regagna sa chambre. Allongé sur sa couche, il se mit à réfléchir. Tantôt le déroulement de l'affaire lui paraissait évident, tantôt ses différents aspects se bousculaient dans son esprit et brouillaient les pistes. Il ressassait sans fin les mêmes suppositions qui n'aboutissaient nulle part.
    Pour se calmer, il décida d'examiner les trois messages laissés par Lardin. Il les étala sur le plateau du secrétaire à cylindre et les relut plusieurs fois. Les phrases dansaient et leur texte continuait à évoquer en lui quelque chose qu'il ne parvenait pas à fixer. Excédé, il mélangea les fragments de papier comme on mêle des cartes et les abandonna. Le sommeil l'emporta.

    Mardi 13 février 1761
    Une main hésitait au-dessus des cartons disposés sur le sol. Le front plissé d'attention, il essayait de reconstruire le mot CHAT. Il saisit une lettre, puis une autre une troisième... Il leva la tête, l'air satisfait. Il avait pourtant oublié le T et le chanoine, comme un Suisse d'église, s'impatientait en laissant retombersa canne sur le dallage sonore de la cuisine. Il finit par lui désigner la lettre manquante. La voix familière lui dit : « Voilà qui est dans le bon ordre. » Mais déjà son tuteur remélangeait les cartons et lui donnait un nouveau mot à assembler. Nicolas, agenouillé, voyait les fortes galoches du chanoine et le galon élimé et taché de boue du bas de sa soutane. Fine chantait une vieille ballade en breton, tout en plumant une volaille. Il fut surpris de la musique grinçante qui accompagnait le doux murmure de la rengaine.
    Ce fut alors qu'il s'éveilla. Il s'approcha de la fenêtre et tira les rideaux. De la rue Montmartre, montait le son plaintif que tirait de sa vielle un Auvergnat vêtu d'une peau de mouton et accompagné d'un chien noir. Les paroles de son tuteur résonnaient encore dans la tête de Nicolas quand son regard se posa sur les trois papiers de Lardin étalés en désordre sur le secrétaire. Sans y prendre garde, il les mêla à nouveau et les considéra. Comment n'avait-il pas remarqué cela plus tôt ? Tout s'éclairait ou, du moins, une nouvelle piste s'ouvrait, qui ne pouvait qu'aboutir. La volonté, qui avait poussé

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