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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Ligne

    Mardi 6 février 1761
    À son réveil, Nicolas tenta de se remémorer dans les plus petits détails la scène qui avait marqué son retour rue des Blancs-Manteaux. Le parfum fugace qu'il avait respiré ne pouvait être que celui de Marie Lardin. Si Catherine, la cuisinière, l'avait ainsi saisi, il l'aurait reconnue à l'instant par l'odeur composite dont son vêtement était toujours imprégné. Mais pourquoi Marie l'avait-elle entraîné ainsi ? Elle voulait sans doute le protéger, mais contre qui ? Il avait bien reconnu les voix de Descart et de Mme Lardin, et leurs propos n'avaient pour lui rien de mystérieux. Plusieurs conclusions en découlaient toutefois. Descart avait avec Louise Lardin des relations particulières. Il lui avait raconté l'incident du Dauphin couronné, et elle avait été scandalisée par sa présencedans cette maison. Mais pourquoi avait-il parlé de « piège » ? Était-ce manière de se disculper d'avoir été là ?
    Pour Nicolas, ce court dialogue prenait un sens spécial à la lumière de l'agression protectrice dont il avait fait l'objet. Le fait que quelqu'un — Marie Lardin — avait jugé qu'être témoin de cet entretien constituait un danger donnait à tout cela une dimension inquiétante. Le mieux, désormais, était de jouer l'innocent et de ne marquer sa curiosité à aucun des habitants de la maison. Chacun apprendrait bien assez vite, si cela n'était déjà fait, qu'il était l'enquêteur désigné par de Sartine pour résoudre l'affaire de la disparition du maître de maison.
    Tout en songeant, Nicolas se surprit à chantonner un air du Dardanus de Rameau. Cela ne lui était pas arrivé depuis son départ de Guérande. La vie reprenait donc ses droits. Il était impatient de commencer sa journée. Cette carrière de policier, il l'avait épousée sans le vouloir. Jeté dans Paris, pris en main par Sartine, tout s'était enchaîné. Maintenant l'action et ses rebonds, ses surprises, ses découvertes et parfois ses embûches l'animaient d'une énergie nouvelle, même si certaines questions demeuraient pour lui sans réponses et si des scrupules apparaissaient dans le feu de la manœuvre. L'interrogatoire de Semacgus lui laissait un sentiment confus d'amertume. Il se demanda s'il devait demeurer chez les Lardin, alors que tout conduisait à penser qu'il serait contraint de les interroger un jour, eux aussi.

    Tandis qu'il achevait une toilette rapide à l'eau glacée, le silence de la maison le frappa soudain. Certes, le quartier était calme, mais il semblait tout d'un coup étouffé comme sous une chape. Un coupd'œil au-dehors l'éclaira : l'aube qui montait jetait une lumière jaunâtre sur un jardin recouvert de neige.
    La montre du chanoine sonna la demie de sept heures. Quand Nicolas descendit, Catherine n'était pas là, mais elle avait laissé, sur un coin du potager, un poêlon de soupe qu'il savait lui être destiné. Du pain frais l'attendait sur la table. Le mardi, la cuisinière quittait la maison de bonne heure avec deux immenses paniers d'osier, pour se rendre au marché Saint-Jean. Elle se hâtait autant que le lui permettait sa corpulence, afin de profiter de l'heure matinale, car, avec un peu de chance, elle pourrait trouver le poisson encore vivant, les chalands qui rapportaient la marée de Basse-Seine étaient pourvus de viviers d'eau de mer pour le transport des belles pièces.
    Il s'apprêtait à sortir quand la voix de Louise Lardin l'appela. Assise au bureau de la bibliothèque, elle écrivait dans la pénombre. Seul un bougeoir, dont la chandelle était presque consumée, éclairait un visage défait et fatigué.
    — Bonjour, Nicolas. Je suis descendue très tôt, je ne pouvais pas dormir. Guillaume n'est toujours pas là. Je ne vous ai pas entendu rentrer hier soir. Quelle heure était-il ?
    La préoccupation était nouvelle et la question directe.
    — Bien après huit heures, mentit Nicolas.
    Elle le regarda avec une expression dubitative et il remarqua pour la première fois l'absence de son sourire habituel, et à quel point ce visage, ni coiffé ni maquillé, pouvait être dur avec ses lèvres serrées.
    — Où peut-il être ? demanda-t-elle. Avez-vous vu Bourdeau, hier ? On ne me dit rien.
    — Les recherches continuent, madame, soyez-en assurée.
    — Nicolas, il faut tout me dire.
    Elle s'était levée et souriait à présent. Oubliant sa tenue négligée, elle revenait à son attitude habituelle de séduction. Elle lui fit

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