L'énigme des vampires

vampire. Car
il en ressort qu’on peut posséder un vampire, s’en
rendre maître et lui faire accomplir d’étranges et mystérieuses actions. Cette
conception est parfaitement logique : le vampire étant un Corps sans Âme , pour le dominer, il suffit de
posséder son âme ou tout au moins, par des procédés magiques, de se substituer
à cette âme. Imaginons la puissance que pourrait avoir un individu capable de
commander à d’innombrables vampires… Il serait alors susceptible de dominer le monde.
Il y a là quelque chose de terrible et d’infiniment troublant.
    Mais le moine-mendiant demande au roi de s’étendre sur la
terre pour aider au rituel. Le roi, maintenant qu’il a été prévenu, demande au
moine-mendiant de lui montrer comment il faut faire exactement. « Et
tandis que le mendiant se laissait tomber à terre pour lui montrer, le roi, d’un
coup d’épée, lui trancha la tête. De la poitrine du mendiant qu’il déchira, il
retira le cœur, tel un lotus, et offrit au vampire la tête ainsi que le cœur. »
L’exorcisme est ainsi accompli, mais le vampire
authentique n’était peut-être pas celui qu’on croyait . Après ce rituel
sanglant, qui est en fait celui réalisé par Sigurd contre le dragon Fafnir, ou
encore celui de n’importe quel chasseur de vampires armé d’un couteau et d’un
pieu, le roi a levé les sortilèges maudits qui obscurcissaient le monde, et il
devient le maître des Esprits aériens.
    Mais à l’heure actuelle, qui donc se préoccupe de poursuivre
les vampires et de pratiquer sur eux l’exorcisme qui les libérera et qui, de ce
fait, libérera le monde d’une emprise diabolique ? Certes, les vampires
sont devenus des personnages familiers de l’univers fantasmatique du XX e  siècle : ils vivent d’ailleurs d’une vie
artificielle, essentiellement par le biais des productions cinématographiques. Mais
ce sont des faux vampires . Les vrais vampires
ne se gorgent pas forcément du sang qu’ils puisent à la gorge de leurs victimes.
Les techniques ont évolué depuis un siècle. Quant au secret de l’immortalité, ou
plutôt de la longévité, est-il temps de le partager entre tous les habitants de
la planète Terre ? Les Vampires pourraient répondre par la négative. Ce
secret, ils veulent le garder pour eux-mêmes. À quoi sert le pouvoir quand il
est partagé entre tous ? Et si certains individus qui ne sont pas
eux-mêmes des non-morts connaissent les moyens
magiques par lesquels on peut créer de nouveaux vampires, ils ne sont pas prêts
non plus à en divulguer les arcanes. C’est dire que le problème qui concerne
ces étranges non-morts est loin d’être résolu.
    Peut-être, après tout, faut-il voir dans le vampirisme une
simple psychose, pour ne pas dire une névrose ? Les fantômes, bien connus
dans la tradition universelle, sont très souvent des projections des terreurs
ancestrales qui encombrent l’esprit humain, lequel a besoin de les matérialiser,
de les rendre concrètes pour mieux les écarter de son champ de vision, pour
mieux les refouler , à moins qu’il ne veuille s’en
repaître par une sorte d’attitude masochiste, elle aussi inhérente à sa nature
complexe. Mais les vampires ne seraient-ils pas des êtres intérieurs  ? « Le fantôme tourmente le
vivant par la peur, le vampire le tue en lui prenant sa substance… Le vampire
symbolise l’appétit de vivre, qui renaît chaque fois qu’on le croit apaisé et
que l’on s’épuise à satisfaire en vain, tant qu’il n’est pas maîtrisé. En
réalité, on transfère sur l’autre cette faim
dévoratrice, alors qu’elle n’est qu’un phénomène d’autodestruction. L’être se
tourmente et se dévore lui-même… Lorsqu’au contraire, l’homme est pleinement
assumé, qu’il exerce pleinement ses responsabilités, qu’il accepte son sort de
mortel, le vampire s’évanouit [162] . » C’est le sens
de l’exorcisme qu’on doit accomplir, et les rites sanglants qui l’accompagnent
ne sont que la matérialisation des mécanismes subtils qui se mettent en branle
dans l’inconscient humain. Cependant, il faut toujours se référer à cette
conception des occultistes Swedenborg et Saint-Martin, popularisée par Honoré
de Balzac, selon laquelle la pensée, comparable à un fluide magnétique, peut, en
surgissant du cerveau, continuer à vivre une vie indépendante en dehors du
corps. Ainsi s’expliqueraient les entités mystérieuses qui nous