L'énigme des vampires
entourent. Dans
cette optique, les vampires sont peut-être nos pensées qui tentent désespérément
de reprendre corps pour exercer leur pouvoir sur les autres.
De toute façon, le mythe des vampires existe, et s’il existe,
c’est qu’il correspond à une certaine réalité de la pensée. Les vampires
existent donc. Et les anges aussi. Mais les vampires sont-ils des anges déchus
ou des humains qui veulent « faire l’ange » ? La question est
insoluble. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que, dans le ciel, les luttes
entre Mikaël, l’Archange de Lumière, et le Dragon des profondeurs se
poursuivent, perpétuellement, éternellement peut-être. Et si l’Ère du Verseau, dans
laquelle nous entrons, est celle de l’ouverture de ce qu’on appelle le « Troisième
Œil », il nous sera sans doute possible d’apercevoir, derrière les
fenêtres opaques de la Conscience, ces personnages qu’on a relégués dans la
Fable et qui sont pourtant des réalités de la Pensée, cette Pensée étant la
seule preuve authentique de notre propre existence et de celle des autres. Or
la Pensée, si puissante est son rayonnement, est capable de faire exploser l’ombre
en myriades de parcelles lumineuses. L’ombre et la lumière sont les deux
directions qu’on attribue à cette énergie infinie qui provient de nulle part et
qui s’en va nulle part, c’est-à-dire ailleurs. Le destin de l’être humain est de se hausser à la « fréquence » de
cette énergie, de s’y intégrer, de s’y fondre même et de la conduire vers son
point le plus ultime. Ultima Thulé … Car il y a
un point où, comme le disait André Breton, « le communicable et l’incommunicable
cessent d’être perçus contradictoirement ». Ce n’est plus la distinction
entre l’Être et le Non-Être qui est en jeu, mais celle de l’Être et du Paraître.
Le mythe du vampire nous démontre quelque chose d’essentiel, quelque chose qui
touche le noyau de l’Être : sommes-nous capables d’assumer totalement
notre Être ? Ne nous manque-t-il pas le troisième élément, dont on fait
bon marché, cette « âme », si étrange, si mystérieuse, si secrète, et
pourtant si proche, vers laquelle nous tendons de toutes nos forces, mais que
nous ne savons pas reconnaître quand elle se présente à nous, enfermée qu’elle
est dans une série de contenants que nous ne savons pas dépouiller, néantiser , afin de pouvoir contempler ce que Galaad,
dans la Quête du Saint-Graal , aperçoit au fond
du Vase sacré : « Ô splendeur ! Lumière sur le monde ! Tous
les voiles se déchirent : le secret de la vie universelle apparaît ! Ô
voici la merveille suprême : contempler et comprendre [163] ! »
Sommes-nous donc tous des Corps sans Âme , qui
n’avons plus la possibilité de reconnaître notre âme au milieu des tempêtes que
notre propre esprit, notre mental , déchaîne
sur le monde en proie à ses fureurs ? La question posée par cet auteur du Moyen
Âge qui se prétend le barde Taliesin, le « Front brillant », demeure
toujours valable en ces temps de turbulences :
« Sais-tu qui tu es
quand tu dors,
un corps, une âme,
ou un repaire de perceptions [164] ? »
La réponse est pourtant facile : « Je suis les
trois. Je suis trois en UN. » Cela prouve en tout cas que la tradition
celtique, même perturbée par les spéculations du Moyen Âge chrétien, n’avait
pas oublié la définition essentielle de l’Être, qui est une Triade, ce qui n’est
nullement contradictoire avec le concept indien de la Trimurti , pas plus qu’avec la notion chrétienne de
la Trinité divine. Mais si le corps, dans sa matérialité, est aisément
mesurable, pondérable, si l’Esprit, au sens du mot latin mens (d’ailleurs lié étymologiquement avec la Lune !),
est saisissable par ses données intellectuelles, qu’en est-il de l’Âme ? Et
le pseudo-Taliesin de poursuivre sur le même registre :
« Quelle est la place de l’âme ?
Quelles formes ont ses membres ?
Ou s’épanche-t-elle ?
Quel air respire-t-elle ? »
« Je n’ai jamais rencontré d’âme sous mon scalpel »,
disait le savant chirurgien Claude Bernard. Et pour cause… En dernière analyse,
ce sont les questions que doivent se poser les vampires, assurément, eux qui sont séparés tragiquement de leur âme , et qui
cherchent, dans le plus profond désespoir, à la reconnaître au milieu des
illusions et des fantasmes
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