L'énigme des vampires
force motrice de l’eau [158] . » Et l’on prétend
qu’il mourut, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, le 27 février 1784, à
Eckernförde, dans le duché de Schleswig, chez le landgrave Charles de
Hesse-Cassel, grand protecteur des sciences hermétiques. Mais comme cette mort
se produisit pendant une absence du landgrave, on peut émettre des doutes sur l’authenticité
de son acte de décès, pourtant parfaitement rédigé dans les registres de l’église
d’Eckernförde. On notera que, d’après des témoignages dignes de foi, pendant
les dernières semaines de sa vie, il ne se faisait plus servir que par des
femmes qui le soignaient, paraît-il, comme un second Salomon, ce qui n’est pas
sans rappeler le traitement prescrit au vieux roi David par l’entremise de la
jeune Sunamite.
Cette mort attrista, on s’en doute, les nombreux amis qu’il
s’était attirés et les fidèles qui croyaient en son immortalité. Madame de
Genlis, qui rapporte ces événements, s’en montre très affectée, d’autant plus
qu’elle fait état des troubles et des terreurs qui auraient saisi le comte de
Saint-Germain avant de rendre l’âme. Mais alors, comment comprendre qu’un an
plus tard, en 1785, on ait vu et reconnu ce même comte de Saint-Germain aux
conventions maçonniques de Paris et de Wilhelmsbad ? Les archives le
montrent même en compagnie d’illustres personnages comme Saint-Martin, Mesmer
et Cagliostro. Et ce n’est pas tout. En 1788, soit quatre ans après sa « mort »,
le comte de Châlons, quittant son ambassade de Venise, le rencontre sur la
place Saint-Marc et converse avec lui. C’est du moins ce qu’il confie à Madame
d’Adhémar qui, elle-même, eut l’occasion, par la suite, d’entrer plusieurs fois
en contact avec le défunt comte, notamment en cette année 1788 où il envoya une
lettre à la reine Marie-Antoinette, dans laquelle il l’avertissait des graves
dangers qui la menaçaient. Et, en 1789, Madame d’Adhémar reçoit même une lettre
qu’elle reconnaît écrite par Saint-Germain, lettre dans laquelle celui-ci
déclare « Tout est perdu, madame la comtesse, ce soleil est le dernier qui
se couchera sur la monarchie, demain, elle n’existera plus… Vous savez tout ce
que j’ai tenté pour imprimer aux affaires une marche différente, on m’a dédaigné,
aujourd’hui il est trop tard. J’ai voulu voir l’ouvrage
qu’a préparé le démon Cagliostro, il est infernal . » Et
Saint-Germain de fixer un rendez-vous à Madame d’Adhémar, laquelle s’y rend et
reconnaît le comte qui lui déclare venir de Chine et du Japon et qui lui
prophétise la chute des Bourbons. Mais le comte de Châlons et Madame d’Adhémar
ne sont pas les seuls à l’avoir vu. Il se serait trouvé à Vienne dans les
années 1790, parmi un groupe d’alchimistes et d’occultistes. Et Madame d’Adhémar,
à la fin de sa vie, en 1821, note encore dans son journal : « J’ai
revu M. de Saint-Germain et toujours à mon inconcevable surprise, à l’assassinat
de la reine, aux approches du 18 Brumaire, le lendemain de la mort du duc d’Enghien,
en 1815 dans le mois de janvier et la veille du meurtre de M. le duc de
Berri. J’attends la sixième visite quand il plaira à Dieu. » Tout cela
apparaît extrêmement curieux.
Le cas est d’autant plus intrigant que le comte de
Saint-Germain ne semble pas s’être arrêté de se manifester depuis ce temps-là, en
particulier pendant le règne de Louis-Philippe, sous les traits d’un Anglais, le
major Frazer, qui connaissait tous les États d’Europe et parlait de nombreuses
langues, qui avait une mémoire prodigieuse, était d’une richesse fabuleuse et dont
la véritable identité n’a jamais été établie. Est-ce une légende ? En tout
cas, elle perdure avec opiniâtreté. Il n’est pas jusqu’à notre époque où on le
voit apparaître sous des aspects parfois très déroutants. On prétend même le
retrouver dans le mystérieux Fulcanelli, cet alchimiste, auteur des Mystères des cathédrales et des Demeures philosophales , lui-même disparu de façon
énigmatique pour laisser place à un autre alchimiste, Eugène Canseliet, disparu
depuis peu et dont la légende s’enrichit elle aussi. On nous dit encore, sous
le sceau du secret (mais dans des publications à fort tirage), que le comte de
Saint-Germain est un ancien détenu de droit commun (faussement accusé et
condamné injustement, comme il se doit) qui aurait eu la
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