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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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laissé le fort tomber en ruines.
Un étendard flottait sur les remparts. En nous rapprochant, je vis que ce n’était
pas le pygargue, mais le dragon rouge. Dunum était restée loyale.
    La garnison ne
comptait plus que trente hommes. Les autres étaient chrétiens ou avaient
déserté à moins que, craignant qu’Arthur et Mordred ne fussent tous les deux
morts, ils se fussent laissé fléchir. Mais Lanval, le commandant de la garnison,
s’était accroché à ses forces réduites, voulant croire contre tout espoir que
les nouvelles de malheur étaient fausses. Voyant Arthur arriver, Lanval avait
abandonné ses hommes à la porte. Arthur se laissa glisser de sa selle pour
serrer le vieux guerrier dans ses bras. Nous n’étions plus quarante, maintenant,
mais soixante-dix, et je pensai aux paroles d’Ailleann. Au moment même où tu le
crois battu, avait-elle dit, il commence à gagner.
    Lanval marcha
à côté de moi, tenant son cheval par la bride, et me raconta qu’ils avaient vu
passer les lanciers de Lancelot : « Nous ne pouvions les arrêter et
ils ne nous ont pas défiés. Ils ont juste essayé de me convaincre de me rendre.
Je leur ai répondu que je ne retirerais l’étendard de Mordred que lorsqu’Arthur
m’en donnerait l’ordre, et que je ne croirais à la mort d’Arthur que le jour où
l’on m’apporterait sa tête sur un bouclier. »
    Arthur avait
dû lui toucher un mot de Guenièvre, car Lanval, qui avait jadis commandé sa
garde, l’évita. Quand je lui eus un peu raconté ce qui s’était passé au Palais
marin, il secoua tristement la tête : « Elle et Lancelot le faisaient
déjà à Durnovarie, dit-il, dans ce temple qu’elle s’était aménagé.
    — Tu
étais au courant ? demandai-je, horrifié.
    — Je n’en
savais rien, fit-il d’un air las, mais j’ai entendu des rumeurs, Derfel,
uniquement des rumeurs. Et je ne voulais pas en savoir davantage, reprit-il en
crachant au bord de la route. J’étais là-bas le jour où Lancelot est arrivé d’Ynys
Trebes et je me souviens qu’ils ne pouvaient détacher les yeux l’un de l’autre.
Après quoi, ils se sont cachés, bien sûr, et Arthur n’a jamais rien soupçonné.
Et il n’a fait que leur faciliter les choses ! Il lui faisait confiance et
il n’était jamais chez lui. Il était toujours en vadrouille, inspectant un fort
ou siégeant dans un tribunal. Je ne doute pas qu’elle appelle ça une religion,
Derfel. Mais c’est moi qui te le dis : si cette dame est amoureuse de
quelqu’un, c’est de Lancelot.
    — Je
crois qu’elle aime Arthur.
    — Peut-être,
mais il est trop direct pour elle. Il n’y a aucun mystère dans son cœur, tout
est écrit sur son visage, et c’est une dame qui aime la subtilité. C’est moi
qui te le dis : c’est Lancelot qui fait battre son cœur plus vite. »
    Et c’était
Guenièvre, pensai-je tristement, qui faisait battre plus vite celui d’Arthur.
Je n’osais même pas penser à ce qui se passait dans son cœur maintenant.
    Cette nuit-là,
on dormit en plein air. Mes hommes gardèrent Guenièvre, qui s’occupait de
Gwydre. Rien n’avait été dit de son destin. Aucun d’entre nous ne voulait poser
la question à Arthur, et chacun s’efforça de la traiter avec une politesse distante.
Elle nous traita de la même manière, sans demander de faveur, et évita Arthur.
La nuit tombant, elle raconta des histoires à son fils, mais quand il se fut
endormi je la vis qui se balançait à côté de lui et sanglotait doucement.
Arthur le vit, lui aussi, et se mit à pleurer, puis s’éloigna pour cacher sa
misère.
    L’aube nous
remit sur la route, et notre route nous conduisit dans un charmant paysage
baigné de soleil sous un ciel sans nuages. C’était la Dumnonie pour laquelle
Arthur s’était battu : une terre riche et fertile, que les Dieux avaient
voulue si belle. Les villages avaient d’épaisses toitures de chaume et de
grands vergers, mais trop nombreuses étaient les chaumières brûlées ou aux murs
défigurés par la marque du poisson. Je remarquai pourtant que les chrétiens n’insultaient
pas Arthur comme ils l’auraient sans doute fait naguère, et j’en conclus que la
fièvre qui s’était abattue sur le pays commençait déjà à retomber. Entre les
villages, la route serpentait entre les ronces aux fleurs roses et les prairies
parsemées de trèfles, de boutons d’or, de pâquerettes et de coquelicots. Les
roitelets des saules et les bruants

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