L'ennemi de Dieu
seront d’accord. Et j’en serais bien content.
Attention, ne récure pas l’épée ! Aiguise-la. De longs coups tout en
douceur, comme ça ! »
À midi, je
rejoignis la porte ouest pour attendre le messager de Lancelot. Mais personne
ne vint. Personne. L’armée de Lancelot se défaisait comme le sable d’une pierre
sous la pluie. Quelques-uns s’en allèrent dans le sud. Lancelot les y suivit,
les ailes de cygne de son casque étincelant au soleil tandis qu’il s’éloignait.
Mais la plupart des hommes se rassemblèrent sur la prairie, au pied du Caer.
Ils déposèrent leurs lances, leurs boucliers et leurs épées, puis s’agenouillèrent
dans l’herbe pour implorer la miséricorde d’Arthur.
« Vous
avez gagné, Seigneur.
— Oui,
Derfel, on le dirait », fit-il, toujours assis.
Sa nouvelle
barbe, si étrangement grise, le faisait paraître plus âgé. Non pas affaibli,
mais plus vieux et plus rude. Ça lui allait bien. Au-dessus de sa tête, la
bannière à l’ours flottait dans le vent. Je m’assis à côté de lui :
« La
princesse Guenièvre, dis-je, observant l’armée ennemie déposer ses armes et s’agenouiller
au-dessous de nous, m’a prié de vous demander une faveur. »
Il ne dit mot.
Il ne tourna même pas les yeux vers moi.
« Elle
veut...
— ... s’en
aller.
— Oui,
Seigneur.
— Avec
son pygargue, fit-il, amer.
— Ce n’est
pas ce qu’elle a dit, Seigneur.
— Où
pourrait-elle aller ? demanda-t-il avant de me fixer d’un œil froid :
A-t-il demandé de ses nouvelles ?
— Non,
Seigneur. Il n’a rien dit. »
Arthur s’esclaffa,
mais c’était un rire cruel : « Pauvre Guenièvre, pauvre, pauvre
Guenièvre. Il ne l’aime pas, n’est-ce pas ? Pour lui, elle n’a jamais été
qu’une femme-objet, un autre miroir où contempler sa beauté. Cela doit la
blesser, Derfel, cela doit la blesser.
— Elle
vous implore de lui rendre sa liberté, insistai-je, comme je lui avais promis
de le faire. Elle vous laissera Gwydre, elle partira...
— Elle ne
saurait mettre aucune condition, trancha Arthur avec colère. Aucune.
— Non,
Seigneur. »
J’avais fait
de mon mieux, sans rien obtenir.
« Elle
restera en Dumnonie, décréta Arthur.
— Oui,
Seigneur.
— Et toi
aussi, tu resteras, m’ordonna-t-il d’une voix rauque. Mordred pourrait bien te
libérer de son serment, pas moi. Tu es mon homme, Derfel, tu es mon conseiller
et tu resteras ici avec moi. À compter de ce jour, tu es mon champion. »
Je tournai le
regard vers l’épée étincelante et bien aiguisée qui reposait sur la Pierre
royale : « Suis-je encore le champion d’un roi, Seigneur ?
— Nous
avons déjà un roi, et je ne briserai pas ce serment. Mais c’est moi qui
régnerai sur ce pays. Moi et personne d’autre, Derfel. »
Je songeai à
Pontes, au pont par lequel nous avions traversé le fleuve avant de combattre
Aelle : « Si vous n’êtes pas notre roi, Seigneur, vous serez notre empereur.
Le Seigneur des Rois. »
Il sourit. Le
premier sourire qu’il me fût donné de voir sur son visage depuis que Nimue
avait écarté le rideau noir dans le Palais marin. Un sourire pâle, mais quand
même... Il ne refusa pas non plus mon titre. L’empereur Arthur, le Seigneur des
Rois.
Lancelot était
parti et son ancienne armée était maintenant agenouillée devant nous,
terrorisée. Les bannières de ses hommes étaient en berne, leurs lances à terre
et leurs boucliers posés à plat. La folie avait balayé la Dumnonie comme un ouragan,
mais elle était passée. Arthur avait gagné et, sous le soleil haut de l’été,
toute une armée à genoux implorait sa miséricorde. Comme Guenièvre en avait
rêvé jadis : la Dumnonie aux pieds d’Arthur, son épée reposant sur la
Pierre royale, mais il était trop tard maintenant. Trop tard pour elle.
Mais pour
nous, qui avions respecté nos serments, c’était ce que nous avions toujours
voulu. Car aujourd’hui, en toutes choses, sinon en titre, Arthur était roi.
NOTE DE L’AUTEUR
Les histoires
de Chaudron sont courantes dans les contes et légendes celtiques, et cette
quête était de nature à conduire des bandes de guerriers dans des lieux sombres
et dangereux. Cúchulain, le grand héros irlandais, aurait ainsi dérobé un
Chaudron magique dans une puissante forteresse, et l’on retrouve des thèmes
similaires dans la mythologie galloise. S’il est impossible aujourd’hui de
démêler
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