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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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les toisons de l’année transformées en fil,
les toisons de l’année suivante emplissaient les entrepôts. Les femmes en
ramassaient de pleins tabliers, lavaient et peignaient la laine, puis
recommençaient à filer. Elles filaient en marchant, elles filaient en
bavardant, elles filaient chaque fois qu’une autre tâche leur laissait les
mains libres. C’était une besogne monotone qui ne demandait aucune
intelligence, mais du doigté. Au départ, Ceinwyn ne réussit à produire que de
misérables petites loques de laine, mais elle fit des progrès, sans jamais
cependant devenir aussi rapide que ces femmes qui filaient la laine depuis le
jour où leurs mains avaient été assez grandes pour tenir la quenouille. Le
soir, elle s’asseyait et me racontait sa journée, tournant la quenouille de la
main gauche et, de la main droite, donnant de petites chiquenaudes au fuseau
lesté et suspendu pour étirer et retordre le fil naissant. Quand le fuseau
touchait terre, elle enroulait le fil, fixait la toison embobinée avec une
agrafe en os, puis se remettait à filer. La laine qu’elle fit cet hiver-là
était souvent inégale ou trop fragile, mais je portai fidèlement l’une des
chemises qu’elle tricota avec ce fil jusqu’à ce qu’elle parte en lambeaux.
    Cuneglas nous
rendait visite. Mais Helledd, sa femme, ne devait jamais l’accompagner. La
reine Helledd était terriblement conventionnelle et désapprouvait vivement ce
que Ceinwyn avait fait. « Elle estime que cela fait honte à la famille »,
nous dit-il allègrement. Comme Arthur et Galahad, il devint l’un de mes amis
les plus chers. Il devait se sentir bien seul à Caer Sws car, mis à part Iorweth
et quelques jeunes druides, il était peu d’hommes avec qui il pût parler d’autre
chose que de chasse et de guerre. Et je remplaçai donc les frères qu’il avait
perdus. Son frère aîné, qui aurait dû être roi, était mort en tombant de son
cheval, le puîné avait succombé à une fièvre et le petit dernier avait trouvé
la mort en combattant les Saxons. Tout comme moi, Cuneglas désapprouvait
vivement le départ de Ceinwyn sur la Route de Ténèbre, mais il m’assura que
rien ne pourrait jamais l’arrêter, hormis un coup d’épée. « Tout le monde
la croit douce et tendre, mais elle a une volonté de fer. Têtue comme une mule.
    — Incapable
de tuer des poulets.
    — J’ai du
mal à l’imaginer ! dit-il dans un grand éclat de rire. Mais elle est
heureuse, Derfel, et je t’en remercie. »
    Ce fut un
temps de bonheur, l’un des plus heureux de tous nos moments de bonheur, quoique
toujours assombri par ce qui nous attendait : nous savions que Merlin
viendrait nous demander d’honorer nos serments.
    Il arriva par
un après-midi glacial. J’étais devant la maison, me servant d’une hache de
guerre saxonne pour fendre des rondins de bois fraîchement débités qui allaient
enfumer notre maison. Ceinwyn était à l’intérieur, apaisant une querelle qui
avait éclaté entre ses servantes et la farouche Scarach, quand une corne
retentit dans la vallée. C’était un signal de mes lanciers : un étranger
approchait de Cwm Isaf, et je baissai ma hache à temps pour entrevoir la grande
silhouette de Merlin parmi les arbres. Nimue était avec lui. Elle était restée
une semaine avec nous après la nuit des fiançailles de Lancelot puis, sans un
mot d’explication, elle avait disparu dans la nuit. La voilà maintenant qui
revenait, vêtue de noir, au côté de son seigneur dans sa longue robe blanche.
    Ceinwyn sortit
de la maison. Son visage était barbouillé de suie et ses mains couvertes du
sang du lièvre qu’elle venait de dépecer. « Je croyais qu’il amènerait une
bande de guerre », dit-elle en fixant Merlin de ses yeux bleus. C’est ce
que Nimue nous avait dit avant de partir : que Merlin levait une armée qui
le protégerait sur la Route de Ténèbre.
    « Peut-être
les a-t-il laissés à la rivière ? » suggérai-je.
    Elle écarta de
son visage une mèche de cheveux, mêlant le sang à la suie. « Tu n’as pas
froid ? demanda-t-elle, car je m’étais mis torse nu pour couper le bois. »
    — Pas
encore », dis-je en passant une chemise de laine tandis que Merlin
traversait le ruisseau à grandes enjambées. Mes lanciers, qui attendaient des
nouvelles, sortirent de leurs cabanes pour le suivre, mais ils restèrent devant
la maison lorsqu’il se courba pour passer sous notre linteau.
    Il ne nous

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