L'ennemi de Dieu
en
tourbillonnant avant d’être emportée par le vent d’ouest. Gwilym m’indiqua la
fumée avec la pointe de sa lance puis cracha pour conjurer le mal.
Galahad s’approcha
de moi : « Un signal ?
— Probablement.
— Ils
savent donc que nous sommes ici ? demanda-t-il en faisant le signe de la
croix.
— Ils
savent. » Nimue nous rejoignit. Elle portait le gros bâton noir de Merlin
et elle seule semblait brûler d’énergie dans ce lieu glacial et mort. Merlin
était malade, nous autres étions terrassés par la peur, mais plus nous nous
enfoncions dans le sombre pays de Diwrnach, plus Nimue se montrait farouche.
Elle approchait du Chaudron et l’attrait était comme un feu dans ses os. « Ils
nous observent, dit-elle.
— Tu peux
nous cacher ? » demandai-je, désirant un autre de ses charmes de
dissimulation.
Elle hocha la
tête. « C’est leur terre, Derfel, et leurs Dieux sont puissants ici. »
Elle ricana en voyant Galahad se signer une seconde fois : « Ton Dieu
cloué ne vaincra pas Crom Dubh.
— Il est
ici ? demandai-je craintif.
— Lui ou
l’un de ses pareils. » Crom Dubh était le Dieu Noir, une horreur estropiée
et malveillante qui donnait de sinistres cauchemars. Les autres dieux,
assurait-on, évitaient Crom Dubh. Ce qui laissait entendre que nous étions
seuls à sa merci.
« Alors
nous sommes condamnés, dit simplement Gwilym.
— Idiot !
répondit Nimue d’un ton cinglant. Nous ne sommes condamnés que si nous ne
trouvons pas le Chaudron. En ce cas, nous serions tous condamnés de toute
façon. Vas-tu observer ce feu toute la matinée ? » me demanda-t-elle.
Nous reprîmes
la route. Merlin ne pouvait plus parler et claquait des dents, alors même que
nous l’avions recouvert de nos fourrures. « Il se meurt, déclara calmement
Nimue.
— Alors
nous devrions trouver un refuge, dis-je, et faire un feu.
— Comme
ça, nous serons tous bien au chaud quand les lanciers de Diwrnach viendront
nous massacrer ! fit-elle railleuse. Il se meurt, Derfel, m’expliqua-t-elle,
parce qu’il est proche de son rêve et qu’il a fait ce pacte avec les Dieux.
— Sa vie
pour le Chaudron ? demanda Ceinwyn, qui marchait à côté de moi.
— Pas
tout à fait, admit Nimue. Mais pendant que vous aménagiez votre petite maison,
reprit-elle d’un ton sarcastique, nous sommes allés à Cadair Idris. Nous y
avons fait un sacrifice, le vieux sacrifice, et Merlin a promis sa vie, non pas
pour le Chaudron, mais pour la quête. Si nous trouvons le Chaudron, il vivra. Sinon,
il mourra, et l’âme du sacrifice peut réclamer l’âme de Merlin à tout moment. »
Je savais ce
qu’était l’ancien sacrifice, même si je n’avais pas souvenir qu’on l’eût
pratiqué de notre temps. « Qui a été sacrifié ?
— Quelqu’un
que tu ne connaissais pas. Qu’aucun d’entre nous ne connaissait. Juste un
homme, répondit Nimue avec désinvolture. Mais son âme est ici, qui nous guette,
et elle souhaite notre échec. Elle veut la vie de Merlin.
— Et si
Merlin meurt quand même.
— Il ne
mourra pas, imbécile ! Pas si nous trouvons le Chaudron.
— Si je
le trouve, dit Ceinwyn nerveusement.
— Tu le
trouveras, répondit Nimue avec assurance.
— Comment ?
— Tu le
rêveras, et le rêve nous conduira jusqu’au Chaudron. »
Et Diwrnach,
je le compris lorsque nous arrivâmes au détroit qui séparait la terre ferme de
l’île, voulait que nous le trouvions. Le feu nous indiquait que ses hommes nous
observaient, mais ils ne s’étaient pas montrés, pas plus qu’ils n’avaient
essayé d’arrêter notre voyage. Ce qui suggérait que Diwrnach était au courant
de notre quête et souhaitait sa réussite. Pour s’emparer lui-même du Chaudron.
Sans quoi on comprenait mal pourquoi il aurait veillé à nous faciliter le
voyage jusqu’à Ynys Mon.
Le détroit n’était
pas large, mais l’eau grise tourbillonnait et écumait en s’engouffrant dans le
canal. La mer était forte dans ces goulets, et formait de sinistres tourbillons
ou se brisait sur des rochers cachés, mais elle n’était pas aussi effrayante
que la côte lointaine qui semblait absolument déserte, sombre et lugubre,
presque comme si elle attendait d’aspirer nos âmes. Je frissonnais en pensant à
cette lointaine pente herbeuse et ne pouvais m’empêcher de penser au Jour Noir,
où les Romains avaient débarqué sur cette même côte rocheuse tandis que la rive
grouillait
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