L'envol du faucon

à cinq cent mille livres. » Phaulkon articula lentement ses mots.
    Une fois de plus, White blêmit. « Mais c'est ridicule ! », explosa-t-il, sa terreur de l'instant précédent balayée par la perspective d'une ruine financière. « Comment puis-je être responsable des activités de Coates ? Et... et même si je l'étais, où pourrais-je trouver pareille somme ? On pourrait s'acheter un comté entier en Angleterre avec un tel montant !
    — Vous le pourrez sans doute, Samuel. Il vous suffira de viser plus bas et d'acquérir quelque chose de plus petit. » Le ton de Phaulkon se durcit. « Car si vous songez toujours à vous retirer dans votre bien-aimée Angleterre, vous devrez d'abord effacer vos crimes. A l'heure qu'il est, vous portez l'étiquette infamante de criminel sur la moindre parcelle du sol britannique, ainsi que du territoire du Siam, de Pegu et de Golconde. Parce que vous êtes le frère de George, et seulement à cause de cela, je vous donne une chance de repartir de zéro. Sinon, je vous aurais fait attacher nu à un arbre dans les marécages au crépuscule et donné en pâture aux moustiques jusqu'à ce qu'ils aient sucé la dernière goutte de votre sang. Réfléchissez-y bien, Samuel, et rappelez-vous que je me réserve toujours cette option. Maintenant, partez. »
    Phaulkon se retourna et White se retrouva une fois de plus à fixer son dos. Etourdi, il se leva et se dirigea vers la porte.
    « Entre, Thomas ! cria Phaulkon dès que White fut hors de portée de voix. Tu as pu entendre clairement ?
    — Chaque mot, Constant, répondit Ivatt en entrant dans la pièce. Tu crois vraiment qu'il va rembourser ? A sa place, je me sauverais, et je suis loin d'être un aussi fieffé gredin que lui !
    — A vrai dire, je ne sais pas, Thomas, mais je n'ai pas pu me résoudre à exécuter le frère de mon mentor. Je ne dirais pas que je m'inquiète de ce qu'il va encore trouver le moyen de faire, mais il fallait que je le laisse partir. Au moins Davenport nous rapportera ses moindres faits et gestes. T'es-tu arrangé avec lui ?
    — Oui, Constant. » Ivatt marqua un temps. « Honoreras-tu la dette si Samuel ne le fait pas ?
    — Il le faudra, ou du moins une partie. Les chiffres de Yale, tu peux en être certain, sont plutôt élevés. Bien entendu, il faudra indemniser les Hollandais de Pulicat et La Nouvelle-Jérusalem devra être rendue à Demarcora. Nous ne pouvons guère nous permettre une autre guerre avec Pegu quand la dernière a duré cent ans ! Quoi qu'il arrive, on ne peut autoriser White à continuer à tenir Mergui sous son emprise. Il faut mettre un frein mais non un terme à son influence. Pas encore. Nous ne devons pas nous précipiter. Il faut lui donner une chance de rembourser ses dettes avant qu'il ne file en Angleterre. Quant au gouverneur Burnaby, il faut le mettre au vert. Il ne fait manifestement pas son travail. Je veux un nouveau gouverneur de Mergui qui nommera à son tour un nouveau Shahbandar, dès que les conditions seront réunies. » Phaulkon regarda Thomas. « Je veux que tu sois ce nouveau gouverneur, Thomas. »
    Le visage de Thomas s'éclaira. Puis son front se plissa lentement. « Je ne vais pas me retrouver en train de me battre contre les Français pour Mergui, n'est-ce pas ? Ne m'as-tu pas dit que tu envisageais d'y nommer un gouverneur français ? »
    L'expression de Phaulkon se fit grave. « J'y ai pensé parce que nous devons faire quelque chose pour les Français. Leur patience est à bout et ils deviennent ouvertement désagréables. Les choses ont atteint un point de non-retour. Nous n'avons aucun miracle religieux à présenter à La Loubère, et Cébéret a conclu que Bangkok est un comptoir trop limité. Ils ont désormais jeté fermement leur dévolu sur Mergui. Mais c'est une concession trop importante. Je vais essayer de les apaiser en leur donnant Songkhla à la place ; un endroit moins stratégique. Nous ne pouvons pas laisser les Français s'emparer de toutes nos garnisons clés, c'est pourquoi il est essentiel que réparation soit faite à la Compagnie anglaise des Indes orientales. Yale ne doit pas avoir d'excuse pour déclarer la guerre. Une fois ce danger écarté, nous n'aurons plus besoin de la force de dissuasion des Français à Mergui. » Un fin sourire envahit le visage de Phaulkon. « Surtout lorsque nous t'aurons là-bas pour nous protéger, Thomas.
    — Je vais terriblement manquer à mon harem de Golconde, Constant. Elles vont avoir des