L'envol du faucon
Seigneur, je me suis peut-être trompé, mais c'était avec les meilleures intentions du monde. J'ai vu qu'il y avait de gros bénéfices à faire qui vous enrichiraient, vous et le Trésor du roi, ainsi que moi-même bien sûr, mais dans tout ce que j'ai entrepris, c'est toujours à vous et à Sa Majesté que j'ai donné la plus grosse part. Si je n'ai pas exécuté vos ordres à la lettre, c'est seulement parce que, étant sur les lieux, j'ai pensé, à tort sans doute, que j'étais meilleur juge de la situation.
— Comme d'ordonner à Coates d'ignorer les termes de l'ultimatum de Sa Majesté à Golconde ? Quand vous avez attaqué Golconde, Samuel, notre ultimatum n'était pas encore expiré. Sous quel jour, à votre avis, cela fait-il paraître le gouvernement de Sa Majesté ?
— Coates a agi seul, mon Seigneur. Il a désobéi à mes ordres. Je vous l'ai envoyé pour qu'il avoue ses crimes. »
Phaulkon se retourna pour la première fois. Son visage était sévère et ne souriait pas. On n'y lisait aucune trace de la vieille camaraderie d'autrefois. « J'ai la lettre qui contient vos contrordres à Coates, dit-il froidement.
— Ce doit être un faux, mon Seigneur. Je n'ai pas donné de tels ordres. » Pour une fois White disait la vérité et son indignation en était redoublée. « Rien ne pouvait l'arrêter. Il a toujours agi seul. Il s'est emparé de La Nouvelle-Jérusalem également à mon insu.
— Coates paie le prix de ses crimes. Il a la cangue autour du cou. Pourtant, même si c'est un pirate et un criminel, ses activités n'ont été rendues possibles que par l'atmosphère de totale dépravation que vous avez créée dans le golfe, Samuel. Vous avez causé un tort incalculable à la réputation de ce pays. » Il marqua un temps. « A côté des vôtres, les crimes de Coates sont dérisoires. »
Le cœur de White se serra. Si Coates avait la redoutable cangue autour du cou, que lui réservait-on ? Il avait vu des prisonniers la porter et observé la douleur dans leurs yeux. Le poids terrible de la planche qui enserrait la tête et les épaules des victimes empêchait tout mouvement. Ils n'avaient pas besoin d'une cellule de prison : ils se promenaient librement, traînant leur souffrance avec eux sous les sarcasmes et les huées de la populace. C'était un châtiment des plus douloureux et des plus humiliants.
« Préférez-vous croire à la parole de Coates, à la parole d'un pirate, plutôt qu'à celle du frère de votre vieil ami, George White ? implora White.
— La liste choquante de vos activités a été confirmée par plus de sources que je n'ai envie d'en citer, et vos déprédations décrites par le menu dans les dépêches confidentielles que j'ai interceptées entre les Maures de Mergui et leurs frères d'Ayuthia. Vos crimes, Samuel, sont monumentaux et irréfutables. Il n'y a pas grand-chose que vous puissiez faire ou dire pour votre défense.
— Je mourrai donc innocent, aux mains de l'ami de mon frère !
— Vous ne mourrez pas, Samuel, car je n'ai pas l'intention de me débarrasser de vous si facilement. Vous devez d'abord réparer vos torts. » Le cœur de White se mit à battre plus vite. Torts ? Est-ce que sa pénitence serait la torture ? L'idée le terrifia. Il eut envie de vomir.
« Je vous renvoie dans votre ancien poste, continua Phaulkon, à deux conditions. »
Muet sous le choc, en croyant à peine ses oreilles, White releva la tête.
« La première est que vous vous amendiez et que, sous peine de vous voir châtié selon les lois du Siam, vous ne m'obligiez à aucun moment à répondre de votre conduite. La seconde est que vous régliez dès votre arrivée à Mergui la totalité du montant des dommages réclamés par les diverses parties via la Compagnie anglaise des Indes orientales à Madras. De plus, vous rendrez à son propriétaire La Nouvelle-Jérusalem, intacte avec toute sa cargaison, tout déficit devant être comblé, toute avarie au bateau réparée. J'ai examiné les réclamations soumises par la Compagnie et les considère comme justes et équitables. Elles couvrent les préjudices subis par les habitants de Golconde, les dommages infligés à la marine marchande de Golconde et à ses villes côtières, le remboursement aux bateaux neutres des cargaisons dont ils ont été dépossédés, le paiement du manque à gagner aux vaisseaux séquestrés et la réparation pour le meurtre d'un citoyen hollandais à Pulicat. Le montant total s'élève
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