L'envol du faucon
Majesté. Comme vous le savez peut-être, ma Dame, rien ne demeure longtemps un secret au palais. » Kosa baissa modestement les yeux. « Votre Seigneurie sait sans doute que personne n'oserait parler directement contre quelqu'un qui a été nommé par l'honorable Pra Klang. Je suis sûr que votre estimé époux ignore la conduite du Shahbandar et le sérieux du complot qui se trame en ce moment même. Mais dame Sunida est convaincue que le poids de votre opinion pourrait le persuader de prendre certaines mesures avant qu'il ne soit trop tard. » Kosa fit de nouveau une pause. « Vous comprenez bien sûr, Gracieuse Dame, que ma seule préoccupation est le Siam. S'il doit y avoir un soulèvement contre l'ordre établi, quelle que soit la justesse de la cause, alors votre honorable époux doit en être informé afin de pouvoir prendre les mesures appropriées. » Kosa inclina respectueusement la tête. « Lui et moi sommes tous deux des serviteurs du Grand Seigneur de la Vie.
— Je vous suis certes reconnaissante, mon Seigneur, d'être venu ici et d'avoir témoigné un souci manifeste pour le bien-être de mon époux, mais un point me trouble. » Maria, la tête haute, fit tous ses efforts pour rester maîtresse d'elle-même lorsqu'elle se força à prononcer les paroles suivantes : « Puisque dame Sunida est la seconde épouse de mon mari et non une épouse royale, pourquoi ne peut-elle pas remettre ce message elle-même ? Pourquoi devrait-elle voir sa liberté de mouvement limitée à l'enceinte du palais ? »
Kosa eut l'air momentanément surpris, comme s'il ne s'était pas attendu à cette question. « Gracieuse Dame, répondit-il en feignant l'embarras, pardonnez-moi, je ne peux que... supposer d'après... d'après les rumeurs qu'on entend que... je veux dire, dame Sunida a beau savoir que vous connaissez sa position, elle pense — ou peut-être est-ce votre mari — qu'étant donné vos convictions religieuses vous pourriez considérer comme un affront... euh... je veux dire qu'il serait indélicat pour elle d'être vue en public. D'où son confinement au palais et sa réclusion volontaire.
— Je vois. » Maria luttait pour déguiser sa souffrance.
Kosa exultait. C'était exactement ce qu'il avait espéré. Et il n'en avait pas encore fini.
« Une dernière chose, Gracieuse Dame. » Il marqua un temps pour savourer l'instant. « Dame Sunida a un autre message. Bien que ce message me fût destiné, je vais vous le transmettre car il concerne l'avenir du Siam. Votre honorable époux lui a confié la supervision des batelières des maisons de plaisir flottantes, qui devaient divertir les soldats français sur la rivière. Il semble qu'un de ces Français, un officier supérieur, soit tombé amoureux de l'une d'entre elles et lui ait révélé les rumeurs qui circulent à présent dans le camp français. » L'expression de Kosa se durcit. « Gracieuse Dame, maintenant que les troupes ont suffisamment récupéré des épreuves du voyage, on parle de guerre. Les troupes n'attendent que l'ordre de se retourner contre les Siamois dans le fort de Bangkok. » Kosa eut un sourire amer. « L'officier s'inquiétait à l'évidence de l'avenir de son aventure amoureuse. »
Maria fronça les sourcils. « Pourquoi, si je puis me permettre, dame Sunida vous révélerait-elle une telle information plutôt que de s'adresser directement à mon maître ? C'est tout de même lui le principal intéressé. »
Une fois de plus, Kosa prit un air embarrassé. « Gracieuse Dame, dame Sunida connaît ma longue expérience des Français. Elle avait peur de provoquer le mécontentement de son maître, parce qu'il semblait très impressionné par la délégation. Elle a peut-être jugé que je pourrais être plus réceptif à de telles révélations. Cela, poursuivit modestement Kosa, ajouté au fait que j'ai mes entrées au palais, est sans doute ce qui l'a poussée à s'adresser à moi sur cette question. »
Maria le regardait d'un air de plus en plus soupçonneux. « Comme il est curieux, mon Seigneur, que dame Sunida, qui est confinée au palais, puisse organiser et superviser les activités de légions de batelières sur le fleuve à Bangkok. Voilà qui est remarquable. »
Cette fois, Kosa Pan fut vraiment pris au dépourvu. « Gracieuse Dame, je n'ai pas enquêté sur ses sources d'informations, se dépêcha-t-il de dire. Mais elle a sans doute ses messagers. »
Maria le fixa longuement. « Seigneur Kosa, même si ces paroles
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