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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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morte !
    Elle recula dès qu’elle eut aperçu les aisselles noires et gonflées.
    — Ne l’approchez pas !… Ne la touchez pas !
    Ogier laissa Étienne fournir à la jeune femme les explications qu’elle lui demandait. Il portait le deuil d’une inconnue et ne ressentait point d’horreur à la tenir contre lui. Sa tristesse, sa reconnaissance envers elle le protégeaient des terribles émanations. Cependant, pour éviter d’être contaminé, il prit une décision : sitôt qu’il aurait enseveli la jouvencelle, il boirait du vin aux herbes et se laverait les mains, les bras, le visage avec la préparation de Firmin de Maignelay. Ces remèdes destinés à prévenir le mal avaient diminué depuis Abbeville, mais il en restait. Il avait bien, ce jour, le droit d’en abuser.
    Il entendit l’exclamation joyeuse de Rosamonde :
    — Le voilà mort !… Est-ce vous ?
    — Non. C’est Ogier.
    — Les autres ?
    — Occis !… Nous allons fosser la terre pour Saveuse et cette pucelle.
    — C’est perdre son temps !… Oh ! votre épaule… Avez-vous mal ?… Il y a dans la tour une grande bannière et de quoi, là-dedans, bandeler cette plaie… J’ôterai ce sang… Me détestez-vous toujours autant ?
    Ogier déposa l’inconnue sur le sol, tout près du corps de Saveuse.
    — Eh bien, Étienne… Cette bêche ou cette pelle !
    Il s’irritait sans savoir pourquoi. Il ajouta, mauvais :
    — Avant qu’elle ne te soigne… Porter cet outil n’aggravera pas ta navrure… D’ailleurs tu as deux bras !
    Barbeyrac marcha vers l’écurie. Rosamonde alla en sens inverse.
    — Non ! s’exclama Ogier. Ne m’approchez pas !… Allez plutôt rabattre le pont… Hâte-toi de trouver cette bêche, Étienne : Saveuse est devenu une pourriture et la pucelle noircit !… Tu te feras soigner après. C’est moi qui fosserai…
    Ogier creusa une tombe profonde. Il y jeta le corps de Saveuse, le couvrit de terre et fit tomber dessus la dépouille de l’inconnue.
    — Que le Bleu Paradis t’accueille, dit-il en se signant.
    Et à grosses pelletées, il combla la fosse.
    Il revint au donjon. Les chevaux étaient prêts. Rosamonde soignait Barbeyrac.
    — Je boirai bien quelques goulées de vin aux herbes.
    Le tressaillement de Rosamonde ne lui échappa point. Nouant les bandes qui maintenaient immobile l’épaule de Barbeyrac, elle dit sans se retourner :
    — J’ai… J’ai cassé la tourie. Je ne l’ai pas vue, dans l’ombre…
    Ogier marcha sur les dalles, s’étonnant que le récipient eût été brisé sans répandre son contenu sur le pavement.
    — Le vinaigre à la sauge… dit-il.
    — Le tonnelet est vide, dit Rosamonde. Il en restait… quelques gouttes. J’ai cru que je pouvais…
    De rage, Ogier frappa de son pied, invisibles dans leur cage d’osier, les débris de la tourie. Il marcha jusqu’au tonnelet, le prit et le fracassa dans la cheminée. Lançant à Rosamonde un regard dédaigneux, il ne put que grommeler : « Oh ! vous… » puis il prit doucement le Noiraud par son mors, jeta aux Neuf Preux un regard qui se voulait de connivence, et quitta le donjon, enjambant les grosses pierres et les corps des malandrins qu’elles avaient rompus. Il se sentait seul ou, plutôt, il eût aimé être seul. La cour ensoleillée lui parut plus lugubre encore que dans la nuit. Le soleil avait la blondeur d’une longue et soyeuse chevelure. Du moins voulait-il qu’il en fut ainsi.
    — Allons, l’ami, dit-il à son cheval, quittons vélocement cette enceinte.
    Il chaussa l’étrier.
    Ce fut alors seulement qu’il vit, bien attachés à sa selle, son arc et ses carquois. Trois carquois. Il se retourna : Barbeyrac et Rosamonde suivaient à distance. Le cheval de Saveuse portait les armures et le sac contenant le crâne de Guillaume.
    — Ils tarderont à me rejoindre. Ils ont mal accepté mes paroles et mon ire. Mais quoi ?… Après avoir séduit Saveuse, la voilà qui voudrait circonvenir Étienne. Et ce grand bêta se laisse embobeliner !
    Ils s’éloignaient au pas, l’un derrière l’autre, le roncin de Saveuse, redevenu sommier, suivant docilement sans lien d’aucune sorte. Nul ne soufflait mot, pas même Rosamonde qui mettait pourtant, d’ordinaire, une espèce d’acharnement à patrociner. Pâle, transie et se merveillant d’être en vie, elle ne regardait rien d’autre, semblait-il, que les oreilles de sa jument.
    Étienne courbait parfois l’échine

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