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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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penaudement.
    — Partez, Étienne !… Entraînez-le ! Je vous en prie et supplie.
    Rosamonde fondit tout à coup en pleurs :
    — Pourquoi Dieu m’a-t-il condamnée ? Pourquoi ? Pourquoi ? Il y avait dans cette obstination à savoir un frémissement vain, dérisoire, de fureur illimitée, un stérile et vibrant désir de vengeance.
    De grosses larmes roulèrent sur ses tempes. Déjà, la consomption enflammait ses poumons ; déjà son visage se couvrait de sombres macules. Bientôt, des convulsions irrémissibles annonceraient l’approche de tourments plus terrifiants. Par un geste qu’elle fit vers ses aisselles, Ogier sut que les affreux apostèmes se gonflaient avec une hâte implacable.
    — Non ! hurla-t-elle en secouant la tête, les yeux mi-clos sur ses propres horreurs imaginées.
    La gerbe de cheveux épars sur l’oreiller, sali d’une sueur abondante, balaya le front tourmenté. La bouche, affreusement, pencha sur le côté, révélant la nacre des dents d’une petitesse juvénile. Les joues commençaient à perdre leur proéminence : elles se creusaient, se ridaient, noircissaient. Les arcades aux sourcils fournis et réguliers tressaillaient dans l’effort vain, opiniâtre, de recouvrer une vue qui faiblissait. Le nez s’effilait, et c’était bien la seule parcelle de blancheur charnelle qui subsistait dans cette face crispée, ténébreuse.
    — Pauvre amie… balbutia Étienne.
    Il demeurait à trois pas, la lanterne dans sa senestre, la dextre, inerte, contre sa cuisse, résistant piteusement à l’envie de quitter cette chambre emplie de miasmes et de plaintes.
    — Ne me regardez pas ainsi !… Partez !
    Une larme apparut à la commissure d’un œil dont les paupières gonflaient et brunissaient ; elle roula sur l’aile du nez, blanche et terne comme un pus.
    — Je veux mourir toute seule ! Partez, Ogier… Conservez de moi…
    La voix flétrie révélait une tendresse d’âme qui arracha un râle à Étienne. Toute une ferveur inemployée, toute une âme sevrée d’espérance semblaient réfugiées dans cette voix fragile que chaque souffle rapetissait.
    — Nous allons vous soigner… Ne désespérez pas !
    Ogier mentait éperdument. Ceint maintenant de son épée, ses mains vides, inutiles, le gênaient. Le sang qu’il y sentait fourmiller était-il encore pur ?
    — Allez-vous en !… Votre présence auprès de moi vous porte un préjudice mortel… Je suis bien punie : c’est moi qui, au château des Neuf Preux, ai bu tout le reste du vin aux herbes…
    Elle rit, se prenant soudain en dérision. Elle avait cru en l’efficacité de ce remède ; elle en avait privé ses compagnons, cassant la tourie après s’être assurée que nul ne la voyait pour faire accroire à un accident involontaire.
    — Je m’en étais douté, dit Ogier. Vous avez vidé puis rompu la cruche. Les dalles étaient sèches au lieu d’être mouillées.
    — Et vous vivez, vous, d’avoir été privé de ce vin !
    Ogier se tourna vers Étienne. Savaient-ils au juste pourquoi ils vivaient ?
    — Nous sommes en sursis, Rosamonde. Le mal est partout, multiple… et le bleu Paradis est unique. Il vous attend, m’amie. Vous y serez heureuse. C’est moi, Ogier, qui vous le dis.
    Il fallait qu’il la rassurât. Tout ce qu’elle éprouvait dans son cerveau et son corps avait son retentissement dans les siens. Il comprenait cette détresse et cette résignation, ces tourments acharnés, cette désespérance : c’étaient celles qu’il avait éprouvées, précisément au château des Neuf Preux, en présence de la jeune inconnue. Il ne pouvait prier. Le Ciel assurément suscitait le fléau.
    — Sachez, Rosamonde, que malgré cette improbité, je vous tenais en estime…
    — Moi, je vous amourais…
    — Je n’ai jamais douté de votre sincérité.
    Le bruit des trois respirations emplissaient le silence. Étienne dit : « Partons. » Ogier, le regard brouillé, fît un geste vers cette main que Rosamonde semblait lui tendre.
    — Non ! cria Étienne. Bon sang, te crois-tu invincible ?
    — Il dit vrai, fit Rosamonde d’une voix brisée.
    Un spasme violent la secoua ; la colère plus que le mal en était cause. Son cou se tordit sur l’oreiller ; ses bras se tendirent dans un mouvement répulsif et l’on eût pu penser que c’était lui, Ogier, qui était atteint et pouvait la contaminer. Avec une vigueur incroyable, elle déchira le col de son surcot et de

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