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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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apparaissait, c’était ce coin paisible de Paris, la maison si calme de la rue des Barrés, et la jeune femme qui mettait ses bras autour de son cou, qui le regardait avec une si belle tendresse, et baisait doucement ses yeux en murmurant : Mon bon Charles…
    Alors le sommeil le gagna.
    C’était ainsi toutes les nuits ; les rêveries qui précèdent le sommeil chez tout homme qui s’endort, aboutissent fatalement au point central de ses inquiétudes du jour. Chez Charles, après des méandres, la rêverie aboutissait toujours à Marie Touchet, et c’est avec elle qu’il entrait dans les rêves du sommeil ainsi étroitement enchaîné aux rêveries de l’avant-sommeil…
    Charles était donc dans cet état où la vie réelle se fond en une sorte de lente catastrophe de ses lignes pour former les lignes d’une vie imprécise, lorsqu’un grattement, à une porte, le ramena violemment à la conscience des choses qui l’entouraient.
    Il se souleva sur un coude et écouta.
    Il y avait trois portes à sa chambre : une grande qu’on ouvrait à deux battants pour laisser entrer les courtisans au moment de son lever, et deux petites. L’une de celles-ci donnait sur un cabinet particulier par où le roi pouvait passer dans sa salle à manger. L’autre donnait sur un long et étroit couloir dérobé dont deux personnes seules, au Louvre, pouvaient faire usage : sa mère et lui.
    C’est à cette dernière porte qu’on venait de gratter.
    Le même signal se fit entendre, plus fort et presque impérieux.
    Charles sauta à bas de son lit, alla à la porte et demanda :
    – Est-ce vous, madame ?
    – Oui, sire : il faut que je vous parle sur l’heure.
    Le roi ne s’était pas trompé : c’était bien Catherine de Médicis qui venait le réveiller. Il eut un geste d’ennui et regarda son lit. Mais aussitôt la pensée lui vint que quelque danger le menaçait sans doute. Son regard se troubla. Il s’habilla en hâte, plaça un poignard à sa ceinture, et ouvrit.
    Catherine de Médicis entra, et sans autre explication :
    – Mon fils, en ce moment, M. le chancelier de Birague, M. Gondi, le duc de Nevers, le maréchal de Tavannes et votre frère Henri d’Anjou sont réunis dans mon oratoire pour y prendre des décisions propres à vous sauver, à sauver l’Etat. Et ils attendent le roi pour lui soumettre le résultat de leur délibération.
    Charles IX demeura un instant stupéfait.
    – Madame, dit-il enfin, si je ne connaissais toute votre force d’âme et toute votre fermeté d’esprit, je me demanderais si une vision n’a pas troublé votre sang-froid et si vous êtes bien dans votre bon sens. Quoi, madame ! vous me venez éveiller une heure après minuit pour me dire que ces messieurs délibèrent ! De quel droit délibèrent-ils ? Qui les a convoqués ? Quel danger me menace et menace l’Etat ? Les Espagnols sont-ils en France, ayant eu vent du bon tour que je leur veux jouer aux Pays-Bas avec l’aide de mon féal ami l’amiral ? Ou bien la peste est-elle dans Paris ? Vraiment ? M. Gondi délibère ! Le fils du maître d’hôtel de mon père… le fils d’un faquin qui se veut à toute force mêler de ce qui ne le regarde pas. Qu’il se mêle de cuisine [24]  ! Nevers délibère ! Une belle brute, qui a fait plus de mal au royaume avec sa bande de soudards, sous prétexte de nous aider, qu’une armée ennemie n’eut commis de dévastations ! M. de Birague délibère ! Un ambitieux qui ne rêve que carnage dans l’espoir de pêcher dans le sang quelque nouveau titre. Tavannes délibère ! Un soldat violent qui me jette parfois d’étranges regards et que je soupçonne de… mais je n’en dis pas plus… Je ne dis rien de mon frère : c’est peut-être que j’en pense trop long sur lui, madame !… Donc, ces messieurs délibèrent ? Eh bien, qu’ils délibèrent donc et me laissent dormir en paix !… Bonsoir, madame !
    Et Charles IX, tournant le dos à sa mère, commença à défaire les aiguillettes de son pourpoint noir.
    – Charles, dit froidement Catherine, ne vous déshabillez pas. Ou bien, ce sera peut-être pour la dernière fois.
    Le roi se retourna vivement vers elle. Ses yeux avaient pris cette expression de terreur, ses joues cette pâleur plombée qu’il avait au moment de ses crises. Catherine comprit qu’elle tenait son fils : l’épouvante, comme toujours dans leurs discussions, le lui livrait.
    – Que se passe-t-il donc ? balbutia Charles IX.
    – Il

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