Les 186 marches
mains libres » pour repousser les Bolchéviques »… Ce qui « arrangerait » les Anglo-Américains. Les déportés constitueront une admirable monnaie d’échange et l’influence politique de la Suisse et de la Suède une garantie supplémentaire. Il suffit de se montrer fin négociateur et d’apporter les preuves de sa bonne volonté. Kaltenbrunner et Muller, le chef de la Gestapo, s’opposent farouchement à Himmler pendant toute cette période. Schellenberg doit, quotidiennement, déployer des trésors de persuasion pour qu’il ne renonce pas. Ce qu’accorde Himmler est inimaginable :
– Monsieur Musy était un homme totalement désintéressé, extrêmement intelligent et cultivé, qui n’avait qu’un seul but : sauver le plus possible de vies humaines parmi les centaines de mille de déportés dans les camps de concentration. Vers la fin de 1944, après des semaines d’exhortations persuasives, je réussis à organiser une entrevue secrète entre lui et Himmler. Au début, Himmler s’en tint à des considérations générales, mais, peu à peu, la forte personnalité et les arguments sensés de Musy, joints à la pression que j’exerçais, amenèrent Himmler à prendre une décision. Il laissa bien entendre, néanmoins, qu’il n’accepterait une évacuation massive de Juifs internés dans les camps de concentration qu’en échange de tracteurs, de camions, de médicaments et autres denrées dont nous avions le plus grand besoin. Musy, alors, fit uneontre-proposition. Himmler devrait se contenter de paiements en devises étrangères, versées au compte de la Croix-Rouge internationale. Himmler ne parvenait pas à comprendre l’importance que revêtait, pour l’Allemagne, la libération de milliers de Juifs. Il paraissait uniquement préoccupé de l’effet que produirait cet acte sur Hitler et sur la clique du Parti. Je compris, au cours de cet entretien, qu’il désirait sincèrement s’affranchir de l’hypothèque juive, mais manquait de courage pour faire le pas décisif. En conclusion, l’idée fut émise que la Suisse pourrait être reconnue par les États-Unis comme lieu de transit pour les Juifs désireux d’émigrer, et Musy promit d’examiner la question avec certaines organisations juives réfugiées en Suisse.
– Avant le retour de Musy en Suisse, je persuadai Himmler de donner la preuve de sa sincérité en faisant droit à l’une des requêtes de Musy : la libération d’un certain nombre de personnalités juives et françaises. Himmler céda, de mauvaise grâce, et me chargea de veiller à la bonne exécution de la mesure. Il me demanda également de maintenir le contact avec Musy et d’organiser une nouvelle rencontre entre eux.
– J’entrai immédiatement en rapport avec Müller, afin d’obtenir l’autorisation de prendre lesdits prisonniers en charge, mais il repoussa ma demande, soi-disant parce que je ne faisais pas partie de la Gestapo et qu’il ne pouvait me révéler ses affaires intérieures. Cependant, il m’autorisa à prendre langue avec les fonctionnaires en charge dans les divers établissements de la Gestapo. Je parvins ainsi à découvrir où se trouvaient les prisonniers et à leur procurer une meilleure nourriture, un logement plus confortable, ainsi que la permission de recevoir des paquets. Dans certains cas, même, j’obtins qu’ils aient des vêtements civils et logent à l’hôtel jusqu’à leur émigration. Tout cela demanda une constante liaison avec les bureaux de la Gestapo.
– La seconde conférence entre Himmler et Musy eut lieu à Wiesbaden, en Forêt-Noire, le 12 janvier 1945. L’accord suivant fut réalisé, grâce à mon active intervention :
1. Toutes les deux semaines, un train de première classe amènerait environ douze cents Juifs en Suisse.
2. Les organisations juives avec lesquelles travaillait M. Musy soutiendraient activement une solution du problème juif, conforme aux suggestions de Himmler. Conjointement, serait amorcé le début d’un changement fondamental de la propagande mondiale contre l’Allemagne.
3. Sur ma proposition, il fut convenu que les fonds ne seraient pas, comme prévu antérieurement, versés directement à la Croix-Rouge internationale, mais déposés entre les mains de Musy, à titre de fidéicommis.
– Le premier transport s’effectua au début de février et tout se passa fort bien. Musy accusa réception des cinq millions de francs suisses qui lui furent versés en
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