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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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planche, la tête vacillant, des moribonds achevant de se vider ; d’autres qui, venant de leur bat-flanc, ne pouvaient se retenir et souillaient, d’une traînée qui marquait leur passage, le plancher du baraquement ; d’autres encore, tombés au pied des baquets, incapables de se relever – combien sont morts à cet endroit… Et, le grotesque se mêlant au tragique, des érysipèles, la tête disparaissant dans les bandelettes de papier, marchant à tâtons, butant dans les corps tombés à terre, pissant à l’aveuglette, n’importe où sur leurs camarades qui, les yeux perdus au fond des orbites creuses, n’avaient même plus la force d’exhaler une protestation… Indicible amalgame de puanteur, de saleté, de détresse…
    – L’organisation de Résistance française étendait son action au camp des malades. Là encore, les premiers jalons avaient été posés par Gérard, avec l’aide du secrétaire du block 2, un communiste tchèque nommé Henryck Jirka. Organisation purement communiste, d’abord, que l’on avait ensuite étendue à tous les Français ; les responsables en furent alors, avec Marteau, organisateur de la solidarité aux communistes, Edmond Malle et le lieutenant Coulon, infirmiers l’un et l’autre et qui pouvaient, comme tels, circuler dans tous les blocks. Il n’était pas facile d’établir la liaison entre le camp central et celui des malades, l’accès du Krankenlager étant formellement interdit aux bien-portants. Grâce au docteur Fichez, nous pûmes enfreindre cette défense. Il me remit un cliché radiographique, pris sur un S. S. quelconque, et représentant < – je me rappelle ce détail – un orteil. Muni de ce document, je me présentais au poste d’entrée du Krankenlager et annonçais : « Häftling 63.584 meldet sich im Krankenlager für Röntgenaufnähme. (« Le détenu 63.584 se présente au camp des malades au sujet d’un examen radiographique. ») Si l’on m’avait demandé d’autres explications, j’aurais précisé que je venais chercher le diagnostic clinique relatif à cette radiographie. Mais le sous-officier chef de poste (c’était souvent Fernandel) s’est, chaque fois, contenté de ma sommaire Meldung. Une fois dans le camp, j’allais voir Malle et Coulon qui me renseignaient sur l’état des Français ; je leur donnais, en retour, toutes les informations et consignes utiles. C’est alors que je visitai plusieurs fois le block 8 auquel Malle était attaché comme infirmier ; j’ai souvent admiré le sang-froid et la tranquille bonté dont il ne se départait pas dans cet effroyable milieu.
    – Le corps médical était composé, au Krankenlager, de déportés médecins, ou se disant tels, sous la direction d’un Polonais, le professeur Chaplinski et le contrôle virtuel d’un médecin S. S. La plupart de ces camarades firent de leur mieux pour soigner les malades, avec les moyens les plus rudimentaires qui se puissent imaginer. Cependant, il était prudent d’éviter à nos camarades, autant que faire se pouvait, la descente au camp des malades. On y risquait toujours d’être embarqué à bord de l’« autocar fantôme », ce car aux vitres bleues qui venait, de temps en temps, chercher le trop-plein du Krankenlager. Nul ne revoyait jamais ceux qu’il avait emportés. Nous avons su, depuis la Libération, qu’ils étaient conduits au château de Harteim, aménagé en centre d’expériences médicales…
    – Mieux valait donc, lorsqu’on se sentait souffrant, ne pas se présenter à la visite médicale qui, chaque soir, désignait, parmi ceux qui se présentaient, le groupe destiné à descendre le lendemain matin au Krankenlager. Nous fûmes ainsi conduits à instituer, dans le camp libre, une sorte de service médical clandestin. Le docteur Fichez, alerté chaque fois qu’il en était besoin, voyait, au retour des kommandos, les camarades malades, les auscultait, les conseillait. Presque chaque jour, il sortait en fraude, de l’infirmerie des S. S. les médicaments les plus nécessaires : comprimés de charbon et de tannin contre le Durchfall, aspirine et sulfamides. Jerry, infirmier des hôpitaux de Paris, l’assistait ; il avait constitué, dans un recoin du magasin d’habillement, son kommando, une petite pharmacie d’où il pouvait, chaque jour, remonter au camp ce qui lui était demandé. Dans certains cas graves, Fichez prit même sur lui le risque d’utiliser, pour un camarade malade, les

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