Les 186 marches
tout récemment on apprit qu’il avait été jeté dans le block de la mort de Mauthausen.
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Les survivants retrouvés par Sergei Smirnov, s’ils ignorent les détails de la « préparation » de l’évasion, en connaissent les grandes lignes. L’état-major était formé par Nicolas Vlasov, Alexandre Isupov et Cyril Tchoubtchenkov. Guennadi Mordoucev, par ses connaissances de la topographie extérieure de Mauthausen, allait très rapidement s’imposer comme le personnage indispensable à la réalisation du projet. Mais Mordoucev, chargé de dresser le « plan de fuite », une fois le premier barrage électrifié franchi, manquait tout de même d’informations : il n’avait travaillé que sur la muraille principale du mur d’enceinte et n’avait pas détaillé les autres ouvrages de fortifications élevés en avant de la forteresse. En utilisant la méthode de « Petit renard », l’état-major des « conjurés » parvint à lancer des appels. D’après Joseph Nadash, écrivain hongrois, déporté à Mauthausen, d’autres messages étaient dissimulés sous les cadavres qui quittaient le block 20 et le kommando du crématoire les transmettait aux différents destinataires.
– L’aviateur Ivan Bitjukov arriva à Mauthausen dans les premiers jours de janvier 1945. Torturé au bureau politique avant son « incorpofation » il était à demi inconscient lorsque le coiffeur tchèque commença à raser tous les poils superflus. Le coiffeur lui dit rapidement ^ « Tu vas être enfermé au block 20. Tu diras à ceux du block qu’ils vont être massacrés très rapidement. Tous… Et toi avec. Ils demandent le plan extérieur du camp. On le leur enverra. Cherchez dans les bassines à soupe. Tu as compris ? Ivan Bitjukov ferma les yeux.
– En effet, il fallait se dépêcher. Le front se rapprochait de l’Autriche et il était certain que les S. S. massacreraient tous les détenus à la première alerte, et ceux du block 20 avant tous les autres. Vlasov, Isupov et leurs compagnons comprenaient que si la révolte était décidée, elle devait être réalisée le plus tôt possible. Lorsque Bitjukov pénétra dans le block 20, il y aperçut plusieurs aviateurs connus en captivité. Il reconnut même un de ses amis, Guennadi Mordoucev, à qui il répéta tout ce que le coiffeur lui avait dit. Les chefs du comité clandestin furent informés et on organisa la « chasse au plan ». Pendant la distribution de la soupe, Mordoucev dirigeait une mêlée générale autour des bouteillons qu’il renversait… A la troisième distribution, il réussit à mettre la main sur une boulette de papier collée au fond du bouteillon. Il la décolla et la mit dans sa bouche. Le kapo n’avait pas vu le manège mais avait remarqué le prisonnier trop intéressé à quêter du rabiot. Les camarades ont vu le kapo noter le numéro matricule de Mordoucev, ce qui signifiait que l’aviateur serait liquidé prochainement.
– Le soir, dans la baraque, Mordoucev transmit la boulette à Vlasov et à Isupov. Sur une feuille de papier à cigarette était tracé le plan des environs du camp. Le soir même, Mordoucev fut poussé dans l’égout par le kapo. Et l’aviateur courageux qui, au prix de sa vie, procura à ses compagnons la possibilité de réaliser leur projet, mourut ainsi.
– Il semble étrange que ces hommes affamés, à demi morts, désarmés, aient pu penser à cette révolte, à donner l’assaut à cette forteresse sans faille, garnie de fils de fer barbelés, parcourus par un courant à haute tension. Que pouvaient-ils opposer aux mitrailleuses couplées toujours pointées sur eux, aux S. S. armés jusqu’aux dents ? L’entreprise paraissait vouée à l’échec. Mais trois facteurs pouvaient contribuer au succès de cette tentative insensée : le courage, l’organisation et l’ingéniosité. Or ces hommes possédaient un courage sans limite, un esprit d’invention merveilleux et une organisation incroyable.
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Vlasov, Isupov et Tchoubtchenkov décidèrent de ne dévoiler le plan d’attaque à l’ensemble de leur troupe que quelques heures avant sa réalisation. Ils s’entourèrent d’une dizaine d’officiers chargés de missions particulières. Le plus embarrassé fut certainement ce jeune lieutenant de blindés dont le nom n’a pas été retenu, qui devait procurer à chaque déporté une arme. Le lieutenant recruta des volontaires et la chasse aux « projectiles »
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