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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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    – Alors commençait le « quart d’heure de gymnastique » comme l’appelaient les S. S. Les prisonniers devaient ramper dans la boue ou dans la neige, courir, marcher à croupetons, au pas de l’oie, en faisant des kilomètres autour de la baraque. Ceux qui tombaient étaient battus à mort ou recevaient une balle dans la tête. La pile de cadavres augmentait en hauteur… Enfin, les S. S. fatigués s’en allaient et les prisonniers pouvaient se livrer à leur jeu favori : « le jeu du poêle ».
    – L’un des prisonniers se jetait de côté et criait : « A moi ! » De toutes parts, alors, des hommes s’élançaient vers lui et se serraient les uns contre les autres pour réchauffer leur compagnon avec la pauvre chaleur de leur corps exténué. Quelques minutes après, un homme se détachait de ce troupeau et criait à son tour : « A moi ! » Le « poêle » se dispersait et se reformait autour de ce nouveau candidat à la chaleur. C’était la lutte pour la vie… (Le 10 octobre 1962, la Pravda consacrait un article au « block 20 ». Voici la description du « poêle » : « … le poêle était leur seule préoccupation. Les hommes se rapprochaient les uns des autres, en une masse compacte, se serraient de plus en plus et arrivaient ainsi à retrouver un peu de chaleur. Ceux qui étaient à l’extérieur donnaient de légères tapes à leurs camarades. Ensuite ce poêle se disloquait et, les rôles inversés, se reformait un peu plus loin. »)
    – La journée s’écoulait dans cette succession d’« exercices » atroces accompagnés de meurtres, de sévices et du « jeu du poêle ». Ce n’est que tard dans la soirée que les prisonniers pouvaient regagner leur baraque.
    – La nourriture était distribuée d’une façon très irrégulière. Certains jours, le block 20 était purement et simplement oublié dans la distribution. Le « brouet », la plupart du temps, était préparé avec des rutabagas pourris. En 1944, durant les journées torrides de plein été, une torture d’un nouveau genre fut imaginée par les S. S. : la soupe si salée que le sel ne fondait plus dans le liquide infect. Les malheureux, torturés par la faim l’avalaient quand même ; les geôliers coupaient l’eau dans le block. Sous le soleil brûlant ils souffraient un martyre indicible, plusieurs perdaient la raison et succombaient au supplice de la soif. La distribution de ce rata était accompagnée de coups et d’exactions de toutes natures. Après avoir reçu dans la vieille boîte de conserves qui leur servait d’assiette un peu de cette soupe, les hommes la mangeaient rapidement et attendaient une « rallonge » avec espoir et impatience. Le kapo faisait un mouvement vers une section du rang et quelques affamés se précipitaient vers lui en tendant leur boîte. Le chef du block n’attendait que cela. Il assenait un coup de louche sur la tête de l’un, un coup de gourdin à l’autre, un coup de pied dans le ventre d’un troisième et jetait un peu de soupe au quatrième. Pendant ce temps, le « blockführer » et sa suite, installés sur le mirador, s’amusaient ? contempler ce spectacle.
    NOTE :  D’après un témoignage anonyme probablement recueilli au lendemain de la Libération (avril-mai 1945) et conservé à l’Amicale de Mauthausen : « Au block 20, la nourriture était distribuée au bon vouloir du S. S. de garde. Si telle était sa volonté, les détenus jeûnaient un ou deux jours, ou plus. Les rations étaient de beaucoup inférieures à celles du reste du camp. Le jeu du S. S. consistait à renverser les bouteillons de soupe par terre et à jouir du spectacle de ces hommes accroupis, mangeant avec leurs mains ce qu’ils pouvaient ramasser dans la boue ou la poussière. Ou bien encore, on versait la soupe dans les lavabos. »
     
    – De temps en temps on liquidait des prisonniers par fournées entières. On faisait sortir du rang des spécialistes de certaines professions : tailleurs, plâtriers, serruriers, sous prétexte de les faire travailler. Les déportés reprenaient confiance. On les conduisait directement dans l’« antichambre » du crématoire et ils passaient sous la « toise spéciale ». Les hommes de service au four n’avaient qu’à tirer les corps sur quelques mètres avant de les lancer sur les foyers. Souvent les S. S. faisaient irruption dans la baraque au milieu de la nuit et improvisaient une. séance

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