Les 186 marches
et les autres. Ils furent emmenés et on apprit le lendemain qu’ils avaient été passés par les armes… Ce fut un coup dur pour tout le monde. Il semblait que l’affaire était ratée. Mais d’autres hommes prirent la place des disparus et devinrent les chefs de la révolte. Seulement, il fallut retarder celle-ci et on la fixa au 2 février.
– La nuit tant attendue arriva. Le soir, dès le retour dans la baraque, après le départ des S. S., on liquida le kapo. Sous un quelconque prétexte, les « Stubendiensts » l’attirèrent dans le couloir, l’un d’eux lui jeta sur la tête une couverture et Michou-le-Tartare le tua d’un coup de couteau. Les deux Hollandais ligotés et bâillonnés gisaient par terre, indifférents et flegmatiques comme ils l’étaient toujours. On forma quatre groupes d’assaut : trois pour s’emparer des miradors et un pour repousser l’attaque des S. S. qui pouvaient venir du camp général. Les hommes étaient armés de pierres, de morceaux de ciment provenant des lavabos brisés, de blocs de charbon. On commença à creuser une sortie souterraine vers le mirador, mais ce travail fut aussitôt abandonné : le sol était trop dur. On décida de donner l’assaut à visage découvert en sautant par les fenêtres de la baraque.
– Des prisonniers, une centaine environ, ne pouvaient participer à la bataille. Ils ne tenaient plus debout et n’avaient plus que quelques heures à vivre. Les larmes aux yeux, ils regardaient leurs compagnons partir et les priaient de porter leur dernier salut à la terre natale. Ils abandonnèrent à leurs amis tout ce qu’ils possédaient : vêtements, sabots et restèrent nus, sachant que leurs heures étaient comptées.
– Minuit sonna. La garde fut relevée sur les miradors. Les nerfs étaient tendus à l’extrême. A une heure moins dix, les groupes d’assaut prirent leur place devant les fenêtres. On sortit la table de la chambre dû kapo et un homme âgé, avec une touffe de cheveux gris, colonel ou général du service de l’intendance, dit-on, s’adressa aux prisonniers en prononçant ces paroles d’adieu :
– « Je n’ai pas été mandaté par notre commandement ou par le gouvernement, mais je me permets de vous remercier tous en leur nom d’avoir tenu bon ici, dans cet enfer fasciste, et de n’avoir pas failli à votre dignité de militaires et de citoyens de FU. R. S. S. Il nous reste à marcher pour la dernière fois au combat et à périr comme il sied à des soldats. Mais quelques-uns auront peut-être la chance d’échapper à la mort et de regagner la patrie. Qu’ils racontent donc ce qui s’est passé ici, qu’ils parlent de nous et qu’ils portent sur le sol natal notre dernier salut et notre amour. Jurons-le sur la mémoire des camarades tombés. »
Les déportés jurèrent, puis un ordre retentit :
– « En avant pour la patrie ! »
– Toutes les fenêtres s’ouvrirent avec fracas et les détenus s’élancèrent sous la lumière aveuglante des projecteurs. Une mitrailleuse se mit à tirer. Un tonnerre de « Hourra ! » retentit dans la cour : les prisonniers n’avaient plus rien à perdre. Leur dernier combat commençait. Deux mitrailleuses arrosaient les prisonniers. Les pierres, les sabots, les boules de neige, les carrés de sa on, les morceaux de charbon volèrent en direction des miradors. Les projecteurs brisés, le combat devenait plus équitable. Déjà l’équipe des extincteurs escaladait le mirador. La mousse neutralisa rapidement le servant de la mitrailleuse de gauche, mais celle de droite continuait à balayer « à l’aveuglette »… Le camp entier s’illumina. D’autres armes automatiques ouvrirent le feu.
Tous les déportés « ordinaires » de Mauthausen se dressent sur leur paillasse :
– Des (1) coups de feu claquent, d’abord irréguliers et puis, après un long moment, des ordres hurlés en allemand et le bruit sinistre de la mitrailleuse qui doit balayer le terrain hors du camp. Nous restons silencieux, retenant notre respiration, attentifs au moindre bruit. Est-ce l’exécution de camarades ? Non, ces ordres brefs, cet affolement des S. S. semblent signifier un énervement inattendu. Serait-ce une évasion ? Dans cette forteresse, cela semble impossible et cependant… Dans la stube des chuchotements se font entendre, des camarades émettent des idées… et si c’était une attaque du camp par les partisans !
– Nous n’osions
Weitere Kostenlose Bücher