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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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jusqu’au cordon de sentinelles, où ils étaient tués impitoyablement. Officiellement, on déclarait qu’ils avaient été tués au cours d’une tentative d’évasion.
    – En principe, les Juifs ne pouvaient rester en vie que très peu de temps. La manière favorite de les liquider était la suivante : à environ 50 mètres au-dessus de la carrière, il y avait un précipice d’environ 15 à 20 mètres de long ; on y amenait ces hommes complètement épuisés et frappés de terreur, en groupe de huit à dix, on les forçait à se tenir les mains et à sauter en bas (les S. S. appelaient cela le « saut en parachute »). Des membres brisés, des débris de cervelles et du sang couvraient sur 10 à 20 mètres de large la scène de ces meurtres diaboliques. En bas, des détenus étaient employés à récolter les restes et à les porter au four crématoire.
    – Durant l’hiver 1939-1940, je fus affecté au kommando « Construction d’un camp à Gusen » (400 détenus). Maltraités d’une façon abominable, les détenus étaient emmenés chaque matin, à pied, à leur chantier à environ 6 kilomètres de la forteresse de Mauthausen. A l’arrivée, par 20°sous zéro, les manteaux, vestes, protège-oreilles et moufles devaient être enlevés. Seuls les hommes doués d’une constitution de fer et d’une volonté ferme et presque surnaturelle de vivre pouvaient se maintenir. Le soir, les morts et les mourants étaient chargés comme des cochons sur des camions, et ramenés au camp, pendant que les survivants suivaient dans un long cortège de misère. Tous les matins, les vides étaient remplis de façon à maintenir l’effectif de 400.
    – Une des institutions les plus effroyables était le soi-disant « bâtiment des isolés ». Tous ceux qui étaient pratiquement incapables de se mouvoir étaient amenés à cette section, qui était séparée du reste du camp par une haute clôture de barbelés. Toutes les fenêtres étaient enlevées, même par un froid extrême, et les hommes, couchés le ? s uns contre les autres, sur une mince couche de paille pourrie, blessés corps et âme, sans aucune aide médicale, étaient exposés à mourir misérablement comme des chiens. Dans les lavabos et les latrines, les cadavres étaient empilés, et il s’écoulait parfois deux ou trois jours avant qu’ils soient emmenés. Souvent les rats dévoraient les cadavres durant la nuit.
    – Pour la moindre faute, les châtiments les plus draconiens étaient infligés ; quiconque, par exemple, était pris comme ayant posé sa pioche ou sa pelle pendant un instant, devait se présenter aux séances disciplinaires le vendredi suivant. Dans ce but, deux des tortionnaires les plus connus étaient choisis. La victime devait se coucher sur le ventre, sur un tréteau en bois spécialement conçu, ses mains et ses pieds étaient ligotés, et il était battu à coups de trique, sans merci (vingt-cinq coups ou plus). Dans la plupart des cas, les coups tombaient de si haut que les reins étaient atteints.
    – Et pourtant, cette punition n’était pas la pire : il y en avait de plus cruelles, par exemple ce qu’on appelait « la pendaison à l’arbre ». Les mains ou bras des victimes étaient attachés derrière leur dos avec une corde, les bras étaient pliés vers le haut, la corde jetée au-dessus d’une poutre et tirée jusqu’à ce que l’homme se trouve pendu librement en l’air. Le poids du corps avait pour résultat de serrer la corde profondément dans les bras et poignets. Après dix ou quinze minutes, l’articulation des épaules se trouvait disloquée, après vingt minutes les mains devenaient gonflées et paralysées. Devant ces pauvres diables, se tenaient les tortionnaires qui riaient et fumaient des cigarettes. Pour ajouter à leur divertissement, ils faisaient balancer le corps et parfois se pendaient à ses pieds. La sueur et le sang coulaient sur le sol, et lorsqu’une victime perdait connaissance, un seau d’eau était utilisé pour la ramener aux réalités de ce monde. Ceux qui étaient ainsi punis ne pouvaient plus remuer leurs doigts pendant des semaines et devaient être nourris comme des nouveau-nés.
    – Le problème des « isolés » fut résolu avec simplicité et ingéniosité. Un beau jour, tout l’édifice qui contenait les cellules réservées aux prisonniers enfermés seuls et au secret fut évacué… Un genre spécial de mort leur était réservé. Cette

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