Les 186 marches
écrémage de droit commun ayant servi dans le génie, le bâtiment ou les travaux publics. Les autres droit commun suivront lorsque les électriciens auront isolé une partie du camp, et c’est parmi eux que seront choisis les membres de cette hiérarchie subalterne qui prendra en charge les déportés dès leur incorporation.
A Mauthausen, les mille premiers numéros, surnommés « fondateurs associés » ou « ceux de la vieille garde », sont, en très grande majorité, des criminels allemands ou autrichiens. Leurs témoignages sont rares et lorsque, par exception, l’un d’eux est entendu au cours d’un procès, ses déclarations ont de quoi surprendre :
– J’aipassé sept ans à Mauthausen, je travaillais à la cordonnerie. Nous fabriquions des chaussures pour tous : depuis le simple soldat jusqu’au commandant, sa femme et leurs enfants. Je pense à ce temps avec nostalgie, j’étais beaucoup mieux qu’aujourd’hui.
D’autres témoins de la défense, tout aussi « nostalgiques » comme le tailleur Otto Barcrysky, ou le kapo Otto Kœtzle, irritèrent à ce point le président du tribunal de Cologne qu’il ne put s’empêcher de conclure :
– Je comprends pourquoi ces messieurs ne font pas partie d’une « union des victimes de Mauthausen ».
Le tailleur Otto Barcrysky protesta :
– J’ai passé toute une nuit au garde-à-vous, le nez à un centimètre des barbelés électrifiés.
C’était vrai.
Un officier S. S., satisfait du nouvel uniforme que venait de lui couper Barcrysky, avait déposé sur sa table une bouteille d’alcool que le tailleur s’était empressé d’offrir à une pensionnaire du bordel, Anne Schwartz. La « jeune fille » se saoula, brisa des vitres, hurla à la mort et calma son « dégagement » par trente jours de bunker.
– D’où venait la slibowitz ?
– C’est Barcrysky.
Et Barcrysky passa la nuit debout, le nez contre les barbelés.
Ce fut la seule fois où il eut à « souffrir » dans le camp de Mauthausen.
La « découverte » de Mauthausen est toute différente pour les politiques :
– Je fus arrêté par deux agents de la Gestapo, à mon domicile de Hambourg, à 7 heures du matin, le 3 septembre 1939. On me dit que j’étais un individu dangereux pour la sûreté de l’État et que je serais envoyé dans un camp de concentration pour la durée de la guerre. Une semaine plus tard, le 10 septembre 1939, un transport de cent sept détenus fut formé à la prison de Hambourg et nous arrivâmes à Mauthausen après trois jours de voyage.
– A cette époque, il y avait, à Mauthausen, presque exclusivement des détenus allemands. Lorsque à mon arrivée, nous vîmes les premiers captifs, nous sûmes plus ou moins ce à quoi nous devions nous attendre. Ces créatures affamées, aux yeux creux, qui se traînaient misérablement le long des rues du camp, d’un jour à l’autre, n’étaient plus des êtres humains.
– Pendant la vérification des identités de la soi-disant « section politique », aucun d’entre nous n’évita un certain nombre de coups de pied dans le ventre ou autres mauvais traitements ; ensuite, nos cheveux furent tondus à ras, on nous donna des vêtements rayés et tous les nouveaux arrivants furent affectés à des blocks déterminés. Normalement, il y avait 140 détenus par baraque ; plus tard, le chiffre monta jusqu’à 1000.
– La carrière constituait le principal chantier. Les détenus devaient travailler dans des conditions effroyables, depuis 7 heures du matin jusqu’à 8 heures du soir. La ration journalière consistait en un huitième d’une boule de pain et trois quarts de litre de soupe très liquide. Plus il y avait de morts à la fin de la journée de travail, plus le commandant Ziereis était de bonne humeur. Dans la carrière elle-même, les détenus étaient exterminés, soit en étant forcés de porter un rocher de 50 à 60 kilos jusqu’en haut des 186 Marches qui montaient au camp, ou bien les malheureuses victimes étaient simplement jetées dans la rivière avoisinante et soumises à une immersion prolongée, malgré leurs efforts désespérés pour remonter à la surface, jusqu’à ce que l’immersion provoque leur mort. Officiellement, on déclarait que de telles morts étaient dues à des suicides, et cette mention était portée sur le fichier. Dans leur agonie, bien des détenus, par un effort désespéré, parvenaient à se dégager et couraient
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