Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
flammes du four crématoire augmentaient l’effet du drame de Mauthausen. Les impressions de ceux qui se sentaient faiblir en regardant la lueur rouge étaient poignantes. Et de la sorte, nous nous défendîmes avec acharnement. Une forte volonté et l’instinct de conservation étaient les armes efficaces dans le combat épuisant que nous livrions pour prolonger notre vie. Des souvenirs de chez nous et de ceux qui nous étaient chers provoquaient de fortes réactions et revivifiaient en nous le désir de vivre et de retourner au foyer. Le matin, quand il faisait encore sombre, une sonnette nous réveillait – son timbre aigu me fait encore peur maintenant – nous appelant dans la réalité dure et mortelle. Les heures de travail étaient infinies et, s’il s’agissait d’un travail très dur, nous mesurions le temps par minutes. Nous comptions la longueur de nos vies en journées. Je n’oublierai jamais l’arrachage de souches dans le ruisseau, le chargement de gros blocs de pierres et des sacs de ciment de 50 kilos sur les camions, le « Laufschritt » des « Lori » (bennes à bascule) qui dura toute la journée, le transport des cadavres des Juifs jetés du haut de la falaise et des autres détenus tués à coups de matraque.
    – Après l’attentat contre Heydrich, des journées terribles commencèrent au cours desquelles un grand nombre de Tchèques furent tués dans la carrière. Une fois, un vendredi, l’Oberkapo Zaremba, après une courte entrevue avec le Kommandoführer, gueula : « Sämtliche Tschechen und Juden raus. » Une persécution de plusieurs jours s’ensuivit, persécution à laquelle bien peu d’entre nous survécurent. A cette époque, nous faisions l’« exercice » tard dans la nuit. Et de la sorte notre block fut disséminé presque entièrement et son effectif fut complété par de vigoureux Espagnols. Seuls survivants des Tchèques, le docteur Kavlik et moi continuâmes à travailler dans la carrière. Je suis sûr que lui non plus n’oubliera jamais comment nous transportions en haut de l’escalier de grands baquets débordant d’excréments. Nous hurlions de douleur durant la montée mais nous tenions bon. Quand par la suite le docteur Kavlik contracta un phlegmon, il réussit à se faire admettre à l’hôpital. Ayant perdu l’appui de mon camarade, je descendis les marches de la carrière comme celles d’un tombeau, persuadé que je ne les remonterais plus jamais. La douleur m’affaiblit ce jour-là et, ne pouvant plus me tenir sur mes jambes lacérées et enflées, je m’agenouillai dans la chaleur insupportable du coteau. De mes mains blessées, je faisais rouler des pierres et j’attendais la libération. En voyant le soleil qui brillait et le coteau qui fleurissait, embaumant l’air au-dessus de moi, des souvenirs de ma lointaine patrie m’envahirent et me submergèrent. Mais la notion de civilisation devenait insaisissable et se perdait dans l’infini. Je n’entendis plus ensuite le terrible et monotone : « Bewegung, bewegung. » Je fus rappelé à moi par des coups de manche de pioche : on sifflait déjà. Des camarades dont je ne sais plus la nationalité m’aidèrent à me ranger dans la centaine et à monter les marches de l’escalier, puis me transportèrent devant l’hôpital du camp où je perdis à nouveau connaissance. Après l’opération du phlegmon, on m’envoya au block des convalescents 16.
    – Quelques jours avant mon arrivée, on avait transformé le block des convalescents en block de persécution. On lui donna plus tard le nom de block de la mort. Il s’agissait d’exterminer les malades tchèques du camp ; on les faisait venir ici dans ce but de l’hôpital, et de tous les blocks de travail. Cette action se rapportait encore à Heydrich. Les scènes qui se déroulèrent alors comptent parmi les plus terribles qui eurent jamais lieu à Mauthausen. En ma qualité de Zimmerkommandant élu par la « stube » (chambrée) de ce malheureux groupe et étant l’un des rares survivants, j’essaierai de raconter brièvement ces événements pour que les générations futures s’en souviennent. Sans bandage – et presque chacun de nous avait des blessures ouvertes et de l’eau – on nous habilla le vendredi 10 juillet d’uniformes russes et, durant une quinzaine de jours, on nous fit faire de durs travaux. Même ceux qui étaient le plus gravement atteints étaient traînés, ou s’ils ne pouvaient plus marcher,

Weitere Kostenlose Bücher