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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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étaient portés dehors pour y être tués à coups de bâton ou d’un coup de revolver durant le travail. On ne nous distribua que la moitié de notre ration de nourriture. Durant cette quinzaine, il pleuvait presque sans interruption et un vent froid soufflait. Chaque jour nous nous endormions trempés jusqu’aux os et transis de froid. Les premiers jours, on tuait à coups de revolver et de fusil. Au hasard, les kapos et les S. S. chassaient à coups de bâton, en direction des fils électriques, ceux qui leur tombaient sous la main, puis des coups de fusils retentissaient. Chaque jour, on nous menaçait du « gaz bleu ». Une fois à midi on nous annonça que ceux qui ne pouvaient plus marcher n’étaient pas obligés d’aller déjeuner au camp, qu’ils pourraient déjeuner au chantier. Le matin, le blockführers ou le scribe donnait au kapo Georges un bout de papier avec les numéros des détenus qui ne devaient plus rentrer à midi. Leurs heures étaient comptées.
    – A deux reprises, on nous soumit aux douches glaciales, le personnel du « bad » et les kapos nous forçaient au moyen de barres de fer et d’escabeaux à les supporter jusqu’à ce que nous nous affaissions sous les courants d’eau mortels. Des hurlements et des cris inhumains faisaient trembler l’édifice. Un tas de morts resta sur le plancher. Puis de nouveau, au travail, de l’aube au crépuscule, sans arrêt. Les corps de ceux qui avaient succombé au cours du travail, boueux et encore vivants, étaient jetés pêle-mêle sur des voitures et transportés au camp. On devait les tirer de la voiture de façon que leur tête frappe le pavé. Il y avait des flaques de sang sous la voiture. Parmi ces malheureux, il y avait des camarades qui, il y a encore un instant, travaillaient avec nous. Je me souviens d’un borgne de Valachie, le maçon Mikunda, qui, venu à l’aide de ses camarades avec une abnégation exemplaire, s’affaissa à bout de forces quelques minutes avant la fin de la persécution et fut jeté dans la voiture.
    – Je me souviens avec émotion de mes concitoyens faiblissant, dont les yeux d’où tout signe de vie avait disparu, devenaient soudainement troubles, vitreux. Un regard morne, fixé sur la voiture. Résignés et gémissants, ils demandaient qu’on en finisse, qu’on les charge sur le monceau de cadavres… Ils n’avaient plus la force de remonter à pied au camp. Les corps étaient transportés dans des douches. Là, sur le monceau de corps parcourus de soubresauts, on faisait couler l’eau. Ceux qui remuaient encore étaient achevés à coups de barre de fer. Le soir, dans le dortoir, avait lieu le triage des candidats pour la mort. Ceux qui faiblissaient étaient rayés des listes d’appel et ne recevaient plus leur nourriture. Dans la nuit, on les envoyait aux bains. Plusieurs d’entre eux avaient repris, entretemps, connaissance et, réalisant qu’ils étaient parmi les condamnés, essayaient de se faufiler parmi les « vivants ». Mais l’impitoyable blockführer faisait bonne garde et, à coups de pied, les faisait revenir en arrière. Pour punir ceux qui avaient aidé ces malheureux à se faufiler du côté des vivants, il les forçait à prendre la place des condamnés.
    – Notre situation était désespérée, nos rangs s’éclaircissaient de jour en jour. En partant au travail, nous avions l’air de nous demander l’un l’autre quels étaient ceux qui ne reviendraient plus ; nous semblions nous dire adieu. Quelques-uns étaient d’avis d’aller trouver Bachmayer et de lui demander grâce. D’autres craignaient que cette démarche n’eût pour conséquence des douches ou d’autres mesures radicales et nous dissuadaient de mettre ce projet à exécution. L’un de nos compatriotes préféra aller « dans les fils ». La tension culminait. Réalisant notre situation critique et notre condition physique, je voulus prendre la parole et proposer à Bachmayer de nous faire fusiller. A ce moment, je fus projeté à terre d’un coup de poing par le commandant du block et réduit au silence.
    – Comme nous enviions ceux que l’on avait choisis au block 16 pour les expériences sur les poux ! Comme nous enviions ceux qui, se portant mieux que nous, avaient réussi à s’échapper du « 16 » et à se faire embaucher dans les kommandos ! De ces heureux faisaient partie Zacek et Hodonin. De ces heureux faisait également partie Karel Spaniel.
    – C’était un garçon

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