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Les 186 marches

Titel: Les 186 marches Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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Lorsque les S. S. s’adressaient à un Tchèque, pour lui ordonner un travail, soit pour le corriger, ils employaient toujours le vocable : « Tchekischerintelligent… » (comme ils employaient celui de Spanischerbolchevik… pour les Républicains espagnols).
    – Rien d’étonnant, dans ces conditions, que l’arrivée du professeur Podlaha (celle-ci coïncidant avec celle d’un prêtre slovaque, devenu après la guerre évêque de Bratislava) fût marquée par des actes inimaginables de bassesses envers eux. Podlaha et le prêtre furent placés au block 13, où le sinistre droit commun Acknel exerçait les fonctions de chef de block. Dès leur arrivée, les visites des S. S. se succédaient le jour et la nuit pour imposer des punitions corporelles, mais plus spécialement pour les abaisser moralement. Sous la menace et les moqueries des S. S. et des kapos, on leur ordonnait de nettoyer les w.c. avec leurs mains, ainsi que de frotter le parquet avec un chiffon imbibé d’huile ; ils devaient balayer la rue devant la baraque, et lorsqu’il pleuvait, éponger l’eau restant sur le ciment de l’entrée. Tout cela était accompagné de coups. Souvent ils étaient obligés de faire la « gymnastique », courir pieds nus, en crapaud, ramper à plat ventre dans la boue…
    – En dehors de cinq bandits de droit commun responsables du block, il y avait deux Espagnols : le coiffeur et le responsable du nettoyage. D’un commun accord, et pour éviter aux Tchèques des tortures, on leur fit une petite place dans le « kammer » (réduit servant à mettre le charbon et qui se trouvait dans le couloir allant du dortoir A au dortoir B). Pendant quelques jours, et après la sortie des prisonniers au travail, ils étaient enfermés par nos amis dans le « kammer » où ils restaient dix, quinze ou trente minutes, parfois plus. Pendant ce temps le chef de block était occupé à l’extérieur. On les faisait sortir avec une infinie discrétion. N’être pas visible, ne serait-ce que quelques minutes, évitait souvent un contrôle du « Rapportführer », une punition ou une nouvelle correction. A d’autres moments, nos amis espagnols leur donnaient les assiettes en aluminium (qui ne servaient qu’à garnir les placards) pour les faire briller, ce qui leur permettait d’être assis près du poêle du réfectoire quand il faisait très froid.
    – Mais un jour le manège fut découvert et on les trouva cachés dans le « kammer ». Les coups tombèrent de tous côtés punissant tout le monde : protégés et protecteurs… Podlaha fut transféré au block 9 pour être envoyé à la carrière (plus tard il devint le chef de l’infirmerie du camp et rendit des services très importants à l’organisation clandestine). Le prêtre fut transféré au block 10 en compagnie d’autres ecclésiastiques. Quant aux deux responsables de la « cachette », ils furent punis sévèrement par les S. S… Et comme la clé du petit réduit était toujours en possession de l’Espagnol « stubedienst », celui-ci fut envoyé le lendemain au block 15 pour être incorporé à la « Straffkompanie » où il passa quinze jours. Avec la protection d’un kapo, et surtout grâce à la solidarité de l’organisation clandestine, il put se tirer de cette situation sans trop de mal.
    ★★
    – L’hiver 1942 fut des plus rigoureux. Nos camarades, vêtus insuffisamment, souvent en sabots, sans gants et nu-tête, devaient travailler dans les bourrasques de neige, par un vent glacial et un froid atteignant 25°au-dessous de zéro. La plupart gelaient et mouraient sans secours, dans les blocks car, à cette époque, les Tchèques étaient exclus de l’hôpital du camp. Le professeur Hrudicka, spécialiste de la météorologie, ne cherchait pas à cacher ses craintes : « Le froid va persister. » Le 18 février, nous allâmes travailler au « chantier », ce chantier dont deviendront victimes la plupart des professeurs des hautes écoles tchèques, et la plupart des représentants de la vie culturelle de Brno. Les meilleurs et les plus résistants ne pouvaient tenir que quelques jours. Rosicky, professeur de géographie, fut la première victime. Les professeurs Bayer et Becka le suivirent dans la tombe. Le professeur Vazny, doyen de la faculté de droit, s’effondra sous une charge trop lourde et fut roué de coups… Il mourut le lendemain. Puis ce fut le tour de Krivy de la faculté des sciences, des cousins

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