Les 186 marches
qui affluaient. Des milliers de colis arrivèrent par une pluie battante. Ils furent mis en tas, en plein air, de sorte que les cartons se ramollirent et les colis ne purent être mis intacts dans un lieu couvert (les caves). On s’introduisit la nuit dans les caves et on vola ce qu’on put.
– Des douzaines de S. S., en commençant par le Hauptsturmführer Bachmayer, et en passant par l’Arbeitsdienstführer Trum et tous les Blockführer, critiquèrent sévèrement le fait que les détenus s’appropriaient le contenu des colis ; mais, d’autre part, ils se faisaient donner des marchandises. Trum se fit donner cent tablettes de chocolat d’un quart de kilo chacune.
– Outre les S. S., les détenus occupant un certain rang, profitèrent de tous ces vols. Il en fut de même des détenus occupant un rang moyen. Même les Russes, qui formaient le prolétariat parmi les détenus qui ramassaient les épluchures de pommes de terre dans les poubelles et mangeaient ces épluchures, purent ramasser ce qui était répandu à l’extérieur des locaux couverts. Seuls les détenus auxquels ces envois étaient destinés, par exemple les détenus français, pour raisons de sécurité, ne reçurent presque rien. On ne leur donna que quelques poignées des objets tombés et, comme ils n’avaient pas de récipients, ils se servirent de leur casquette ou de leur veston pour y mettre ces objets.
– Considéré par les S. S. de la section politique comme totalement inapte à « organiser », – je ne voyais d’ailleurs aucun inconvénient à être traité d’imbécile – je reçus peu d’ordres des S. S. dans ce sens… J’entends par « peu d’ordres », trente à cinquante fois par mois.
– Le S. S. Rottenführer Schlünder qui, dans la vie civile était commerçant à Linz, demanda par exemple, un bracelet-montre pour sa fille et me promit un litre de Slibowitz. Il fut très mécontent de ce que le marché ne s’arrangeait pas et me fit entrevoir qu’il supposait que j’osais douter de sa bonne foi. Dans un autre cas, je devais aller chercher dans la cuisine des détenus une tarte pour l’Obersturmführer Schulz, tarte qui avait été cuite par un kapo. En sa qualité de chef de la section politique, Schulz avait promis à ce kapo, criminel professionnel, sa mise en liberté en vue d’un engagement dans la Wehrmacht. Il avait reçu la tarte, pour une fête à laquelle il avait invité une femme. Cette fête devait avoir lieu dans un local extérieur du camp. Je reçus l’ordre de Schultz de dire au kapo que j’avais connaissance, de par mon occupation à la section politique, qu’il serait libéré prochainement. Ce kapo, nommé Türk, avait effectivement cuit une tarte et l’avait emballée dans une caisse, en bois. Je voulais éviter de passer par le contrôle du « Jourhauss » car il y avait « danger de mort ». Je décidai de laisser la caissette sur place et je fis savoir à l’Obersturmführer Schulz que l’affaire était terminée mais que Türk ne voulait pas me donner la tarte car il ne savait pas si je n’essayais pas d’« organiser » la tarte pour moi-même. C’est pourquoi un S. S. dut être envoyé pour prendre la tarte. Cela se fit ainsi. L’Unterscharführer Hans Prellberg et un détenu appelé Uschler furent chargés d’aller chercher la tarte à la cuisine. Pour camoufler toute l’affaire, ils prirent les corbeilles à papier afin de brûler leur contenu à la cuisine, ce qui ne se faisait jamais le dimanche. Le kapo de la cuisine donna la tarte emballée au S. S. Prellberg. Celui-ci la donna à porter au détenu Uschler. L’affaire se déroula mal car, lorsque les deux hommes sortirent de la cuisine, le Hauptscharführer Burker, qui dirigeait la cuisine, remarqua que le détenu emportait quelque chose. Burker arriva en courant et s’adressa à l’Unterscharführer Prellberg. Celui-ci lui répondit qu’il avait reçu Tordre de l’Obersturmführer Schulz de remettre la caissette à ce dernier. Prellberg ajouta qu’il ne savait rien de l’affaire. C’est alors que Burker se rendit au domicile de l’Obersturmführer Schulz. Ceux-ci discutèrent pendant une heure. Ensuite Schulz arriva dans les locaux de la section politique, y prit un fusil de chasse et retourna chez lui. Peu après, le Hauptscharführer Burker sortit en emportant le fusil. Burker avait dit qu’il se rendrait volontiers à la chasse avec Bachmayer et Trum, mais qu’il n’avait pas
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