Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
bataille.
    – Bien disposé, Sang-Bouillant ?
    Sitôt debout, Tristan s’aperçut que son épée avait été plantée à ses pieds. Bagerant lui souriait, et c’était presque un sourire d’amitié.
    – Ils vont perdre ce jour-ci, tu verras !… Mardi 5 avril… Chaque goutte de temps dissipée leur porte préjudice… Nous allons voir s’ils envoient des coureurs.
    – Ensuite ?
    – Ils vont sûrement avancer… Selon ce qu’ils feront, nous reviendrons à Brignais ou nous irons au-devant du Petit-Meschin.
    – Car tu es sûr de son retour !
    – Aussi sûr que je vois cette fourmi égarée sur ta cubitière.
    D’une chiquenaude, Bagerant fit sauter l’insecte. Tristan fut tenté de se moquer de sa confiance ; il ne l’osa. La conviction de cet homme, la force qu’il sentait se déployer en lui, révélée aussi bien par son regard que par la mue de sa voix soudain sourde comme un grondement de fauve, le laissaient pantois. Une ombre opaque et triste passa dans le regard de ce rapace qui avait tout vu, tout éprouvé sauf les affres de cette mort qu’il aimait à dispenser aux autres :
    – Si Bourbon était un sage, il renoncerait… Je connais les noms de ses capitaines et des jeunes seigneurs qu’il a faits chevaliers. Tout est là, sur ce parchemin que je porte contre ma chair 96 … Je sais tout de lui, il ne sait rien de nous… Vois-tu… si je te disais : « Prends ton cheval… Pars… Tu es libre… Va le prévenir de ce qui l’attend », cette chevauchée serait vaine. Car tu aurais affaire à des présomptueux… Mais je sais aussi que tu refuserais de partir à cause d’Oriabel…
    – Tu lis en moi, Naudon, à travers le fer qui me dissimule. Je n’ai pas à rougir de ce que tu découvres… J’ai au moins une qualité : la droiture.
    – C’est pourquoi tu me fais peur !… Je te sais prêt à tout pour rendre cette fille heureuse… Et cela veut dire : prêt à nous fuir !… Or, ton trépas me serait pénible…
    Qui des deux prévoyait le plus de difficultés ? Tristan se reprocha de s’être livré davantage qu’il ne l’eût fallu.
    – Voilà leurs coureurs ! annonça Espiote.
    –  Ils sont quatre, dit le Bâtard de Monsac.
    Tristan suivit Naudon de Bagerant. « D’en bas, songea-t-il, ils ne peuvent nous voir. » Même si ces guerriers les avaient découverts, ils n’eussent rien tiré de bon de leur présence. À bien juger de leurs armures de fer, ces devanciers étaient des prud’hommes. Qui ? Les connaissait-il ?
    – Une chose est certaine, grogna Espiote entre ses dents. Ils ne nous assailliront pas ce jour d’hui !… Le Petit-Meschin se rapproche ! Si je n’osais, Naudon, contrarier ton ami, je dirais que Dieu est avec nous !
    Tristan feignit l’indifférence et l’allusion à l’amitié fut sans effet sur Bagerant.
    Vers none (306) les coureurs repassèrent. Ils allaient toujours lentement, sans souci ni défiance. La certitude de vaincre devait les hanter ; pour un peu, si chacun avait eu la sienne, ils eussent déployé leur bannière.
    On allait bientôt paroler bien haut, de même qu’à Poitiers. Les idées claqueraient comme des oriflammes aux vents des opinions souvent contraires mais, de toute façon, Bourbon trancherait. Volupté que de se sentir capable d’énoncer des commandements avec l’assurance qu’ils seront exécutés !
    – À quoi penses-tu, Tristan ? demanda Bagerant. Je te vois froncer les sourcils…
    – Je pensais qu’un capitaine, un maréchal, un roi sans discernement ne sont rien de plus que des prédicateurs mortels, et que quatre hommes envoyés en avant ne suffisent pas à connaître l’ennemi… surtout si un traître vient fausser l’idée qu’on peut se faire d’une bataille sur le point d’être livrée.
    – Tu te diras bientôt que tu as eu une belle et bonne chance d’être parmi nous, dit Espiote, quelle que soit ta répugnance à nous costier (307) .
    – Crois-tu ? sourit Tristan, sans même regarder le routier. Maintenant, Naudon, partons-nous ?
    – Non, Castelreng, on reste, dit le Bâtard de Monsac. Il nous faut voir si l’armée se déplace encore. Et jusqu’où.
    Il n’y avait rien à objecter : la raison nécessitait cette attente.
    – J’ai faim et soif, dit Espiote.
    – Ronge une branche et suce une herbe, lui conseilla Bagerant. L’appétit te passera. Demain, sans doute, après notre victoire, tu pourras t’en mettre plein la panse… à

Weitere Kostenlose Bücher