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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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succédé à cette espérance : l’armée s’était immobilisée ; des tentes avaient surgi dans la plaine alors qu’il eût fallu se concerter en hâte et s’élancer pour accabler l’ennemi. Assis sur un tronc d’arbre abattu, écorcé, noirci par la foudre, il essayait de se forger cette opinion que Bourbon, Tancarville et les capitaines avaient soigneusement médité leur assaut et que peut-être, tout comme les routiers, ils attendaient des renforts – ne fût-ce qu’Audrehem et ses hommes. On allumait des feux à cuire la pitance, les piétons de la ribaudaille commençaient à s’y rejoindre tandis que des sergents parcouraient les pourtours de cet énorme groupement de guerriers pour y aposter des guetteurs.
    – Ils ne se doutent pas de ce qui les attend, et tu dois penser, Tristan, qu’en ce qui nous concerne, nous serions mieux à l’aise parmi les nôtres. Nous les rejoindrons bien avant que tes vertueux amis ne les assaillent. Je t’en préviens : n’espère pas retourner au château.
    Le soir vint. La faim tourmenta Espiote et le Bâtard de Monsac. Bagerant restait aussi froid et solide qu’une pierre dont son visage avait l’aspect dans les lueurs du couchant barbouillées d’ocre rouge. Tristan se demanda s’il devait considérer comme un signe favorable à ses espérances le fait qu’il ne se fut rien passé de la journée, hormis la pesante progression de l’armée royale. Sans même regarder Bagerant, il osa deux questions :
    – Et s’ils ne nous assaillent pas ?… S’ils ont la conviction qu’ils vont nous effrayer et que nous guerpirons ?
    – Essaies-tu de te rassurer ? Tu sais qu’ils sont ici pour nous détruire et qu’ils ne nous effraient pas. Te rends-tu compte qu’ils n’ont même pas envoyé vingt, trente… cent hommes pour nous déloger de ce Tertre accueillant, bien que je ne me sois pas caché à leur vue… Ni Espiote ni Monsac ! Aymery et Garcie du Châtel en sont tombés d’accord hier, avant que j’aille te cher cher : cette nuit, pour une bonne moitié d’entre eux, sera celle du dernier sommeil.
    – Cela me paraît contraire…
    – À quoi ?… À l’honneur ? Aux coutumes de la Chevalerie ?
    Bagerant avait levé sa dextre devant ses yeux comme si l’éclat du soleil moribond les blessait, de sorte que Tristan ne put suivre l’expression de son visage, mais il remarqua un changement de ton dans la voix du routier : un assourdissement haineux et peut-être désespéré :
    – Que crois-tu que sont ces gens ? Les mêmes que nous autres, afîfnandés de péchés mortels ! Neufchâtel, qui peut-être est des leurs, est un bourreau : un Thillebort aux fleurs de lis !… Tiens : il y a cinq ans, passant par Annonay, j’ai vu le juge criminel du seigneur de Roussillon condamner un faux témoin à parcourir la cité en chemise tachée de langues de feu. Cela pouvait se comprendre. Il l’a fait lier au pilori… Soit… Mais il lui a fait couper la langue en sachant, pourtant, que c’était l’amitié qui avait décidé cet homme au mensonge…
    – Je sais que certains juges sont féroces…
    – Attends, ce n’est pas tout : il y a parmi nous un honnête homme qui ne porte ni l’épée ni la lance ni aucune arme. Sais-tu pourquoi il nous a rejoints ? On lui a brûlé les joues au fer chaud jusqu’aux os parce qu’il avait médit de ce godailler 99 de roi Jean !… Non ! Ne m’interromps pas… En janvier de cette année, une pauvre femme de Rouen, Alice Souris, dont le seul tort était de guérir des malades, a été condamnée à être enterrée vive. Le duc de Normandie est intervenu…
    – Tu vois !
    – C’est à toi de voir, sinon d’imaginer. Il n’a pas sauvé cette malheureuse : il l’a fait jeter en Seine comme une faveur… Ne t’étonne pas si je te dis que son mari est des nôtres… Et qu’il n’aura pas scrupule à porter à ceux qui sont là-bas, moult coups d’estoc mortels !… Tu enrages que nous besognions des captives ?… Un fauconnier de Bureau de la Rivière en a fait autant… Il a obtenu des lettres de rémission… Perrin de Mons, valet du duc d’Anjou, a violé et fait violer par ses deux aides une pucelle qui n’avait pas encore vu le sang… On les a absous et qui sait si on ne les a pas congratulés. Pour nous le viol est crime et pour eux un soulas 100 … Les écuyers du roi s’en donnent à pleines coulles. Ceux du régent aussi… On leur pardonne car ils

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