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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’Oriabel. Comme elle semblait lointaine !
    Aussi lointaine qu’une morte.
     
    ***
     
    Ses douze mille appétits satisfaits, l’armée royale s’ébroua, miroitante comme un immense lac d’où montaient çà et là les fumées des cuisines. Elle dut progresser d’environ cent toises puis s’immobilisa, indécise, ses chefs instaurant un conseil à cheval sur les instances de l’Archiprêtre.
    – Il semble qu’ils vont droit sur Sacuny, dit le Bâtard de Monsac. Peut-être y passeront-ils la nuit. Il serait malséant qu’ils assaillent Brignais maintenant.
    – Si tu sais prier encore, agenouille-toi !… Adjure le Seigneur de pousser le Petit-Meschin au cul et de retenir Arnoul d’Audrehem à Sauges.
    Enchanté de sa repartie, Espiote se laissa choir dans l’herbe. Et tandis qu’il ronflait, grommelant et toussotant parfois, Tristan se demanda si Monsac et Bagerant s’obstineraient jusqu’à la vesprée dans leur guet immobile. N’eussent-ils pas été mieux avisés de revenir au Mont-Rond pour s’y préparer à la guerre ? Bourbon allait-il engouffrer sa cavalerie entre le Tertre et le Bonnet pour assaillir le château ? C’eût été une action stérile eu égard à la façon dont les routiers combattaient, mais que pouvait-on attendre d’autre d’un homme pour qui toute maturation de bataille relevait de la couardise ? Et puis, pour galoper sus à l’ennemi, il fallait que celui-ci fût visible !
    – Je sens, compère, qu’un flot d’idées noie ton crâne !
    À quoi bon répondre à Bagerant. Il eût pu même se dire, lui, Castelreng, « À quoi bon penser ! » Dans l’affrontement qui se préparait, la duplicité des malandrins prévaudrait sans doute sur le sentiment de l’honneur chevaleresque, injustifiable devant de tels adversaires. Cependant, imbu de lui-même et des coutumes de la Chevalerie, le comte de la Marche galoperait droit sur Brignais, souhaitant peut-être que les Tard-Venus effrayés sortissent de la cité par le Sud afin de les tailler en pièces lors de leur fuite. Ensuite, il ferait déposer, dans la nef de quelque église de Lyon, les éperons des victimes réconciliées dans la mort.
    –  Tout ce que je peux dire pour le moment, Sang-Bouillant, c’est qu’ils sont bien pourvus en armes !
    – Comment le sais-tu, Bagerant ? Ils sont loin. Je ne vois d’icelles que leurs brillances !
    – Je sais par un des leurs qu’il y a dans Lyon une centaine d’armuriers, arbalétriers, haubergeonniers, tasseurs, fourbisseurs Presque autant qu’à Paris. Mais le bon acier ne fait pas tout. Il est insuffisant de savoir l’employer si l’on ne fournit pas les premiers coups.
    – Vous songez à fondre sur eux les premiers ?
    – Cela dépend de la façon dont ils s’approcheront. Es-tu chevalier ?
    – Je t’ai déjà répondu oui… Et toi ?
    – Je n’en suis pas fier… Ma chevalerie, c’est une sorte de vêtement de guerre que j’aurais porté, jeté, renié… Es-tu vraiment heureux d’appartenir à l’Ordre ?
    Tristan éluda cette question d’un haussement d’épaule. S’il s’était réjoui d’entrer dans la Chevalerie, s’il s’était soumis à ses préceptes puisque aucune situation ne l’avait poussé à s’y soustraire, tout ce décorum, dans l’immédiat, n’exerçait plus aucun attrait sur lui. Il avait découvert à Poitiers, comme son père à Crécy, qu’une victoire s’obtenait davantage par la subtilité de l’esprit que par le bon droit, la force des armes et le nombre des guerriers qui les maniaient. Il lui semblait parfois que l’air sentait le sang : ce n’était que l’odeur des buis, lourde, funèbre. Bagerant s’en alla jusqu’à son cheval pour lui imposer par les mains et de douces paroles sa quiétude de malandrin accoutumé à toutes sortes d’attentes.
    Aux aguets derrière un fourré, Tristan vit l’Archi prêtre galoper vers le Mont-Rond, suivi de Floridas. Ils portaient maintenant une armure de fer. Davantage par précaution que par ostentation, Arnaud de Cervole arborait sur son heaume en pot des andouillers de cerf passés à la dorure. S’il combattait ainsi coiffé, les routiers qui n’auraient pas vu sa bannière lui épargneraient les coups.
    – On dirait que ce grand crapuleux branchu comme un cocu s’en va courir des lances aux joutes d’Irigny !
    Bagerant se frotta les yeux comme pour en effacer le spectacle de l’Archiprêtre et de Floridas, puis reporta sur eux

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