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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hault et parler bas !
    –  C’est vrai, compère… Tu me chanteras cette chanson demain, quand un hanap de bon vin en main, nous fêterons notre victoire… Puis tu pourras t’en aller quelque temps ; le temps de chevaucher ta belle… Vous devez l’un et l’autre avoir des agacins dans le ventre !
    Tristan ferma les yeux. Oui, il avait des agacins dans le ventre, mais ils étaient d’une autre espèce que ceux auxquels Bagerant faisait allusion : les feux s’éteignaient sans qu’aucun garde ne fut tenté de les ranimer. L’obscurité allait permettre aux routiers de progresser encore. En quelques enjambées, ils seraient à pied d’œuvre.
     
    ***
     
    Derechef, les malandrins avancèrent. Cette fois, Tristan les vit disparaître par grappes de dix ou vingt. Vivement absorbés par l’ombre foisonnante, ils ne laissaient derrière eux que leur odeur de fauves et, parfois – presque aussi menu que la crécelle d’un grillon – le cliquètement d’une lame nue sur une pierre. Il les imaginait courant à foulées furtives, le dos rond, et s’accroupetonnant avant de repartir, de bond en bond, vers ce camp où les bruits, les chants, les hennissements se raréfiaient. Les feux dont la consomption s’achevait, n’exhalaient que quelques fumées.
    « Bon sang !… Vont-ils tous céder à l’endormissement ? »
    Les hommes avançaient et se diluaient en cinq ou six pas. Ceux d’Aymery, Daalain, Thillebort et tant d’autres pataugeaient peut-être dans les bourbiers du Nord, et aucun feu, sur quelque hauteur que ce fût, ne signalait le retour du Petit-Meschin. Viendrait-il ? Deux oiseaux s’envolèrent, muets, grivelant un instant le ciel noir de leur plumage soyeux – comme s’ils portaient des mailles – et quand Tristan les perdit de vue, il faillit heurter un arbrisseau sur lequel quelque chose luisait, que Bagerant saisit à pleines mains, avec une avidité singulière.
    – Un gobelet, murmura-t-il. Monsac, fais dire aux hommes de se méfier. D’autres arbres peuvent porter des fruits de cette espèce.
    – Conserve-le : il peut servit de jambelet à l’une de vos prisonnières.
    Sans le vouloir, Tristan avait élevé la voix. Tous les malandrins s’immobilisèrent. Il dut s’accroupir et, ce faisant, souhaita que quelques branches de boqueteaux qui ceignaient le cantonnement fussent porteuses d’ustensiles sonores ; mais seul sans doute, un veilleur prudent avait employé ce stratagème pour déjouer une attaque nocturne.
    – Viens, Castelbruyant… et modère tes mouvements.
    Dans le sillage de Bagerant, Tristan s’insinua entre des touffes de broussailles dont les griffes grattaient ses fers et le fourreau de son épée. Rien d’autre que le camp n’attirait ses regards : il le voyait mieux, bossué, mamelonné, couvert çà et là par les entonnoirs inversés des tentes qui, sans doute, seraient assaillies les premières ; tout cela vaguement gris sous l’effet d’une aurore dont l’inexorable apparition s’annonçait par une fraîcheur plus aiguë et le ternissement de la lune. Il se trouvait si proche, maintenant, d’une des écuries en plein vent qu’il entendait le sabotement des chevaux et des mulets dont l’odeur, parfois, lui devenait perceptible.
    – Voilà, dit Bagerant.
    Cela signifiait qu’il allait falloir attendre et que les prochains mouvements, décuplés par cette immobilité de statue, seraient terribles : courses et gesticulations assorties de hurlements pareils des deux côtés, bien que les uns fussent l’expression d’une fureur offensive, les autres celle de la surprise, de l’indignation et de la terreur. Une brume fluait des herbes piétinées et se mêlait à l’halenée des milliers de malandrins qui, avec des précautions extrêmes, tiraient leurs lames des fourreaux ou les démaillotaient de leurs linges.
    « Le regard de Bagerant ne me quitte pas. Pense-t-il que si Oriabel n’existait pas, je donnerais l’éveil en hurlant : "À l’arme"  ? Hé bien, non ! Ces insoucieux, ces présomptueux n’auront que ce qu’ils méritent. Au lieu de se prémunir contre ces démons, ils dorment ! »
    Le temps parut alors se figer ; le ciel, cependant, pâlit et le dôme d’un grand pavillon de satanin bleu-noir se dessina fermement. Une fumée sinua, roussâtre : le vent revigorait un feu blafard. Un garde passa, visible seulement aux reflets de sa barbute et de son arme qui devait être un vouge. Toute l’obscure

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