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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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des chiens trouvés ! Ils vont se battre, eux ; il va demeurer bien au chaud en leur centre. Tiens, le voilà qui met pied à terre… Holà ! Reculons…
    Deux roncins passèrent, sans cavalier, hennissant et ruant dans un affolement sans remède. Plus loin, ils durent se défendre des mains qui voulaient empoigner leur bridon ou leur selle. Un routier tomba, la tête fracassée par un coup de sabot.
    – On dirait qu’ils s’apaisent tous… sauf les chevaux !
    Il y avait, semblait-il, une sorte d’alentissement des coups, une interruption des cris : à force d’avoir hurlé leur réciproque haine, tous les combattants semblaient hors d’haleine, sauf ceux de l’Archiprêtre dont la moitié s’en vinrent épaissir une mêlée où les routiers perdaient l’avantage.
    – Ils reculent tout de même, observa Tristan, impassible. Ils sont trop. Ils se gênent ! Et ce sont tes hommes qui cèdent aux Justes, comme tu dis !
    – La mêlée n’est pas achevée… Partout nos gars dominent… Les miens, Castelreng, vont se reprendre, tu vas voir !
    Des cors sonnèrent, et leurs mugissements parurent moins lugubres à Tristan. Si le pourtour du camp immense avait craqué, le centre était indemne, hardi et acharné, de sorte que c’étaient maintenant des guerriers armés de toutes pièces qui affrontaient les maufaiteurs de Brignais.
    Le soleil flambait sur ces grappes d’hommes emmêlés ; soleil de printemps ivre de sa vigueur après un hiver d’une âpreté peu commune. Parfois, les compagnies de Bagerant, de Garcie du Châtel et d’Aymery tentaient de se rejoindre ; elles en étaient incapables et devaient reculer, hurlant tant des taillants et des estocades reçus que pour se faire entendre des routiers de Cervole.
    – Vois, Castelreng ! Ils glissent doucement vers Brignais. Quand ils en seront à une frondée, la lapidation commencera… Elle est d’ailleurs entamée !
    Des pierres volaient à l’encontre des grêles de flèches et de carreaux que les archers et arbalétriers de l’armée royale décochaient sur l’ennemi quand il advenait qu’il se présentât en groupe, mais les armes les plus employées restaient l’épée, le vouge et la guisarme, et la fourche fière qui plantée sous le frontal d’un chapel de fer rendait un homme aveugle et perçait sa cervelle.
    Tristan respirait avec peine, bien qu’il n’eût pas jugé nécessaire de clore son bassinet. Bagerant engagea sa lame entre deux pierres :
    – Que penses-tu que font ta femme, Tiercelet et cette Mathilde aux beaux seins ? À ta place, au retour, je la forniquerais !… Je suis sûre qu’elle aime la besogne !
    À quoi bon répondre : « Pour une fois, nous sommes d’accord ! » Il fallait s’appuyer sur l’indifférence ou la haine et non pas sur une connivence d’un moment.
    – Regarde !… Tous nos gars refont le terrain perdu.
    Hélas ! C’était vrai.
    – Tes compères sont las, Castelreng… Viens : quittons ce tertre. Il est temps que nous regagnions le Mont-Rond.
    – As-tu peur ? Pourquoi ne t’es-tu pas mêlé à ces tribouils (317)  ?
    Bagerant saisit violemment son épée dont il essuya la pointe d’un index presque caressant :
    – Je ne connais ni la peur ni l’effroi… Sur la motte où nous allons, je saurai si tu peux en dire autant !
    Sentant sur son visage un regard amusé, Tristan eut envie d’abaisser sa visière. Le routier se fut esclaffé de ce qu’il eût pris pour de l’irritation et qui n’était qu’un mépris insigne. Aussi se tourna-t-il vers la bataille sans pouvoir décider qui, du Bien ou du Mal, prenait un avantage. La rumeur, inchangée, charriait toujours ses mille et mille cris bouillonnants, eux-mêmes recouverts d’une écume de plaintes rageuses ou désespérées. Des incendies soufflaient au ciel des fumées noires dont les volutes s’épousaient en nuages serrés. Un essaim d’étourneaux passa très haut ; ils criaient comme des âmes tourmentées.
    – Viens, Sang-Bouillant.
    Malgré cette injonction, Bagerant, lui aussi, demeurait immobile. Tous ces meurtres commis de cent façons le fascinaient. Il en admirait, surtout, les accrochages et les dénouements, tendant parfois son index ferré sans mot dire, approuvant dans une jubilation sans nuance le trépas des guerriers royaux et celui de ses compères dont la force et l’habileté avaient été subjuguées.
    – Tu parais te délecter !… Serait-ce pareil si tu

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