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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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combattais ?
    – Je jubilerais davantage. Mais, n’aie crainte : tu vas voir comment je procède !
    Toutes ces douleurs indicibles… Et vaines, puisqu’il y aurait d’autres affrontements tout aussi terribles, et qu’il eût fallu sans doute, ce mercredi des Rameaux, pour écraser l’engeance des routiers, une armée trois fois plus épaisse. Tristan respirait malaisément, atteint par l’odeur du sang, des brasiers, des herbes pourries d’entrailles et cervelles ; imprégné par la fureur, la douleur de ces gens mêlés, éparpillés, embrouillés : certains roulaient sur le sol en des étreintes féroces dont souvent aucun ne se relevait.
    – J’en suis sûr, Castelreng, la journée sera nôtre… Viens !… J’ai choisi dès la nuit dernière de me battre sur la pente du Mont-Rond… Pourquoi ? Parce que je l’aime bien… Il m’est même venu une idée… Tu ne me la demandes pas, mais tu brûles, évidemment, d’en avoir connaissance !
    Tristan cracha. Ce devait être une idée diabolique. Il remit posément sa Floberge au fourreau.
    – Nous ferons marcher nos captives, nues, bien sûr, et nos pages en avant.
    – Je n’en espérais pas moins de toi.
    – Ce n’est pas tout : pour accroître la fureur des Justes, nous les occirons devant eux, une à une, un à un… On ne fait rien de bon dans un trop grand courroux.
    Tristan resta coi. Tout emportement eût réjoui ce damné. Ce fut alors qu’une immense clameur éclata sur sa gauche. Voyant une nouvelle vague d’hommes d’armes miroiter au pied de la colline du Janicu, il comprit en même temps que Bagerant.
    – Voilà ton Petit-Meschin qui pointe sa hure.
    – Ils ont dû venir par la vallée du Garon, puis remonter vers Janicu de façon à déblayer la plaine des Aiguiers tout en repoussant tes amis vers le Mont-Rond…
    – Combien d’hommes sont-ils ?
    – Deux milliers… Les meilleurs… Je te l’ai dit, je crois.
    – Les meilleurs ?… Tu veux dire : les pires !
    –  Il te reste au moins une liberté : celle de me contredire.
    Tristan imagina la déception des gens de Tancarville et de Bourbon qui tous deux, subitement, paraissaient invisibles. Etaient-ils morts, assaillis et pourfendus dans leur sommeil ?… Non, cela ne se pouvait. C’eût été terriblement injuste !… Lorsque leurs piétons se ressaisissaient et parvenaient à repousser la racaille, un nouveau contingent, frais et décidé, se jetait sur eux.
    – Bon sang, si tu recevais la mort ce jour d’hui, Sang-Bouillant, cette histoire de rançon serait close !… Je vais être contraint de veiller sur toi comme une vieille nourrice !
    Tristan cracha aux pieds de Bagerant tandis que ses mains se crispaient l’une contre l’autre comme pour se retenir d’étrangler ce malandrin dont la présomption et la moquerie augmentaient en proportion des tueries.
    – Nous irons à Givors… J’en suis aussi certain que d’autre chose…
    – Quoi ?
    – Un jour, je ne sais quand, tu forniqueras Mathilde !
    Cette éventualité mit entre eux un silence – autant qu’un silence pût se produire dans les fracas des armes et les hurlements des hommes.
    – Viens, reprit Bagerant dont la gaieté froidissait. Il doit y avoir deux mille gars sur le mamelon du Mont-Rond, et trois cents derrière les murailles qu’aucun homme d’armes de Bourbon n’atteindra… Le ciel sera tout tiqueté des pierres de nos frondes. Leur grêle fera un tel frai (318) sur les armures de fer, qu’il sera perçu jusqu’à Lyon !
    – Et pourquoi pas jusqu’en Aussay (319) pendant que tu y es ?
    – Hé ! Hé !… Pourquoi pas, en effet.
    L’œil vif, le regard mouvant, l’épée prête à la défense, ils avançaient en lisière de la bataille et Bagerant voulait que ce fût sans hâte, comme ils eussent piété au marché. Tristan ne cessait d’enrager. Sa place était ailleurs, auprès des Justes. Combien d’entre eux allaient tomber ? Combien de jeunes qui, pour la première et dernière fois, auraient vécu l’inutilité de l’horreur ? Tous courageux, certes, mais la plus destructive, la plus ardente efficacité du courage resterait à leurs aînés. Outre qu’ils savaient ostoier (320) ils savaient ce qu’ils perdraient dans la défaite. Non seulement la vie mais l’honneur, cet honneur dont les jeunes n’avaient que faire, de sorte qu’à le défendre médiocrement, ils passaient de l’état d’homme à celui de gibier.
    – Tu

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