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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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quels renforts s’y trouvaient, les routiers, souvent, s’éparpillaient par dizaines, sans plus combattre. Les gens du roi devaient se réjouir de ce qu’ils prenaient pour des frayeurs et des fuites. Tout en sentant sa gorge se pétrifier d’amertume, Tristan observa son compagnon.
    Sous le cintre de la ventaille, Bagerant offrait au soleil un visage dont la pâleur infirmait l’éclat hautain du regard : la terreur qui mordait des milliers d’hommes aux tripes l’avait contaminé. Il se courba en avant, en arrière, autant que le tolérait son armure, afin d’éprouver la docilité de ses articulations et jointures.
    Angilbert le Brugeois passa, une croix processionnelle sur l’épaule.
    – Hé ! Moine… Montre à Tristan ton crucifix.
    Le presbytérien s’avança, mal accoutré dans sa bure en raison des deux ceintures qui l’entouraient, l’une de corde, au-dessus du ventre et portant dans sa gaine un perce-mailles à manche de corne ; l’autre de cuir, sous sa bedaine, à laquelle pendait un badelaire. Quant à la croix, lorsque Tristan leva les yeux sur elle, l’aumônier de Brignais commenta :
    – Tu peux sourciller !… Les traverses et jusqu’aux fleurs de lis qui les prolongent sont aiguisées comme des armes… Je n’assaillirai personne mais bénirai quiconque me menacera.
    Sous les paupières clignotantes, les lueurs des prunelles semblaient empruntées à celles du crucifix hypocrite ; car c’était bien un crucifix : faisant rouler le manche dans ses paumes, le moine offrit au soleil l’effigie en bronze du Rédempteur. Le désignant du doigt, Bagerant ricana :
    – Tu vois : Jésus lui-même est de notre côté !
    Et tandis que d’un pas solide Angilbert descendait la pente :
    – Regarde ! Là-bas, c’est l’Archiprêtre… et ses hommes. Le Petit-Meschin les assaille… Connais-tu, Castelreng, le vrai nom du Meschin ?
    – Je m’en moque !
    Bagerant continua de paroler d’un ton vif, bas et tranchant comme l’épée qu’il avait tirée de son feurre de cuir noir à viroles d’or : une arme longue d’une aune. Les quillons droits, terminés par deux boules, étaient d’une simplicité qui sentait le rustique, mais la lame était belle : une arête médiane, une section en losange, deux tranchants. Cet instrument de mort offrait une bonne prise, guère différente de la Floberge. Bientôt, ce démon de Naudon prendrait plaisir à le teinter de rouge.
    – As-tu vu, compère, la fumaille qu’ils font devers le Bois-Goyet ?
    Une partie du monstrueux affrontement avait lieu là-bas sur un espace nu, et les semelles des hommes et les sabots des chevaux soulevaient des poussières.
    – Ou nos gars ne se replient plus… ou les Justes faiblissent.
    Une volée de sagettes et de carreaux s’abattit sur le Mont-Rond. Elle avait jailli de la gauche, dans le creux d’un chemin joignant la voie d’Irigny à celle de Saint-Genis. Thillebort hurla un commandement. Aussitôt, la première haie des archers de Brignais manœuvra pour se trouver face aux gêneurs, une flèche encochée dans la corde. Pour inefficace qu’elle fut, leur réplique contraignit les royaux à la reculade. Tancés de la voix, et du geste par leur capitaine assisté d’un moine porteur d’arbalète, ils revinrent s’abriter derrière leurs pavois et un nouvel essaim de bois ferré se fracassa sur les pierres du sol et les murets défensifs, dix toises au-dessus de Tristan et de Bagerant. Thillebort, touché au genou par un éclat de roche, fit aligner cinquante frondeurs devant les archers. Les armes rustiques tournoyèrent ; une bourrasque de galets jaillit en vrombissant. Un archer de France chancela en portant ses mains à sa barbute ; son capitaine s’effondra, foudroyé.
    Une nouvelle volée de pierres fouetta le ciel et s’abattit sur les archers. Tous s’éparpillèrent. Des routiers surgirent, armés d’épieux et de haches et ce fut, dans la cohue gigantesque, une mêlée de cinquante hommes où les malandrins triomphèrent tandis que toute espèce de tir cessait et que les combats de près se poursuivaient, repoussant les routiers, à grands spasmes sanglants, davantage vers le Mont-Rond que vers le Bois-Goyet. L’assourdissante marée montante des combattants déferla au pied de la butte, bouillonna, franchit un fossé, renversa sous son flux de fer une escarpe de pieux et de pierres, et déborda les premiers brigands jusqu’alors inemployés.
    Aussitôt,

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