Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
conduit franchement. Sans plus. Il ne se sentait aucune amitié pour Salbris, mais il ne lui eût jamais porté préjudice. Tout ce qu’il en savait, c’était qu’il avait servi chez Charles d’Espagne, un sodomite avéré. À la mort du connétable (330) il était apparu à la Cour en compagnie de Thomas d’Orgeville.
    Il scruta ce visage glabre auquel la haine donnait un relief plus sec, et la fatigue, l’essoufflement, une carnation rougeoyante. La férocité de l’intérieur affleurait aux lèvres comme une écume saumâtre. Salbris suait la mort.
    Il ne l’avait jamais aimé. Certaines fois, il avait dû se contenir pour ne pas lui faire payer cher ses moqueries. Peut-être avait-il eu tort de se montrer sourd et courtois : il n’était son aîné que de deux ans à peine.
    – Le soir d’Auxerre, Guillonnet, c’est toi qui es venu me chercher pour m’annoncer que le roi me mandait en son hôtel…
    – Je ne me souviens de rien !
    Les autres les écoutaient en silence. Il leur paraissait incroyable, sans doute, qu’ils se fussent connus. Lui… Tristan, cette affirmation selon laquelle Salbris avait perdu la mémoire, le paralysait. Elle ne présageait rien de bon : c’était un ennemi de longue date qu’il se découvrait soudain.
    – Si tu refuses de te souvenir, c’est que je t’embarrasse… Tu m’as toujours jalousé parce que le roi m’aimait bien… S’il m’aimait bien, c’est qu’à Poitiers nous étions ensemble dans le grand estour (331) où il faillit mourir… Pas toi !… Le régent Charles en sait assez sur moi, lui aussi, pour m’apprécier… Cette estime, je le comprends maintenant, n’a pas cessé de te déplaire… Mais trêve de parlures !… Tu me prends pour un routier, c’est ton droit… Il me faut sauver ma vie : c’est le mien… Je ne suis pas venu en Lyonnais pour m’engager dans les Compagnies… Vous tous qui assistez à cet… entretien, sachez-le : je suis venu sur ces terres par commandement du roi Jean !
    – Vous avez combattu parmi cette racaille !
    C’était un jeunet qui répliquait cela. Il avait perdu sa dextre dans un de ces combats écœurants. Sous le chapel de Montauban, son visage était blanc comme si le sang n’y circulait plus. Il s’en vidait par le poignet.
    – Je ne nie pas que j’aie été pris en dressant mon épée contre les vôtres. À ma place, vous en eussiez fait autant !… Et je demande à voir…
    – Tu ne verras personne, saligot, sinon le bûcher ou la corde !
    Parler davantage ? À quoi bon. Tristan subissait une abomination à laquelle il s’était attendu. Il dit pourtant :
    – Si je te racontais, Salbris, tout ce que j’ai subi depuis la Bourgogne, tu me dirais que tout cela n’est que gailles 112 et menteries… Et pourtant…
    Guillonnet de Salbris se pencha. Tristan sentit de nouveau la pointe de sa dague contre sa gorge.
    – Tu nous as affrontés, Castelreng ! Tu as offensé la justice du roi !
    – En la servant, je fus pris en otage et j’ai dû, contre ma volonté, participer à une bataille qui fut perdue avant même que vous ne l’eussiez engagée.
    – C’est ton opinion, pas la mienne !
    – Il a bien fallu – penses-en ce que tu voudras que je me défende de vos assauts pour protéger ma vie !… Comment eussé-je pu épargner tes compères quand ils m’accablaient de leurs armes ?… Je cherchais l ’occasion de me joindre à vous. Cela me fut impossible… Et d’ailleurs, je me serais vu repoussé !… Qui ne connaissait sauf toi, Tancarville, Bourbon ?… De part et d’autre, j’étais condamné…
    – Nous avons perdu. Notre infortune est immense à cause de toi !
    –  Holà !
    Salbris se complaisait dans l’exagération. Absent à Poitiers, il avait espéré, de l’affrontement de Brignais, qu’il lui permît d’aller jusqu’au bout de sa fureur d’occire des malandrins – en méjugeant de leur vaillance. Il avait été confronté à des réalités désespérantes. Sa force, son habileté, son courroux éployés hautement comme des oriflammes, s’étaient dilacérés pour rien. Il sortait en lui toutes les souffrances et les ressentiments te l’année vaincue.
    –  Il faut que je voie le roi.
    – Tu verras mon cul quand je te chierai sur la face !
    Il y eut des rires. Pauvres rires d’hommes essoufflés, blessés dans leur chair et leur fierté de gens honnêtes Tristan comprit que quoi qu’il fit et quelques mots qu’il

Weitere Kostenlose Bücher