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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de mailles déchirés. Dans tous ces fers, des corps et des déceptions. La grande victoire, la juste victoire… Un dessein noble, exécutable, flétri, annihilé à force d’inconséquence. Un seul d’entre eux portait une armure « à la couleur d’eau », mais son azur gluait de macules de sang. Son plumail de pennes de faisan avait été coupé de moitié ; du vermillon coulait sur son canon d’arrière-bras jusqu’à sa cubitière : Bagerant venait de l’atteindre.
    Deux ribauds s’efforcèrent de le dégager. Aucun ne savait manier une lame : ils tombèrent. Deux autres réussirent, mais l’homme au harnois bleu s’abattit, lui aussi, percé par un épieu si violemment planté qu’il avait d’un seul élan traversé la dossière et le plastron de sa cuirasse.
    Tristan dut reculer encore. Un cheval passa, la selle de guingois, son houssement gris, vermeil à la culière ; une flèche oscillait dans sa croupe. Il ruait en hennissant d’effroi et de douleur.
    – Aide-moi ! hurla Bagerant.
    Il allait falloir donner des coups mortels.
    Où se trouvait Guillonnet de Salbris ?
    « S’il meurt, il ne pourra me dénoncer… Je dirai au roi : "Sire… " Oh ! Mon épaule… Que fait donc parmi nous Angilbert ? D’où vient-il ? »
    La haute croix, rougie de toutes parts, avait sûrement tranché des membres, ouvert des gorges, troué des faces, percé des crânes. Pas le temps d’en voir plus… Epées… Se dégager… Dans quoi marchait-il ? Entrailles… Un cheval éventré se mourait, sabotait… foisonnantes épées. Vivre c’était faire le mal avec rage et conscience… Vivre c’était occire, repousser toutes ces lames vibrantes… Des armures de fer et des chenaux passèrent. Trépassèrent. À nouveau une ruée, un autre galop. Tristan ne savait plus où il se trouvait, où il en était. Une certitude : il reculait, se protégeait des armes, des fers de lances, guisarmes, vouges, et les tranchants de hache. Combien ? Vingt contre quin ze ? Plus ? Moins ? Les routiers besognaient ardement de l’épée. Comme des…
    Il était touché ! Rudement. Son colletin… Non pas son colletin : sa gorgière lui comprimait le cou, côté senestre. Douleur vive comme si un muscle, un nerf avait craqué. Des combattants tombaient. Lui n’avait que chancelé.
    « Holà ! Je suis… Mon épaule ! Mon épaule !… Ah ! Héliot, je suis… »
    Enfermé ! Jamais il ne pourrait refouler toutes ces lames.
    Il était pris dans un accul !
    À coups d’épée vigoureux, une ombre miroitante desserra cette étreinte.
    « Bagerant me dégage… Où en est-on ?… Holà ! Et guisarmier… »
    D’une main, Tristan dévia le long aiguillon de l’arme pointée sur son faude (327) et se fendit. La Floberge lui parut immensément lourde. Cependant, estoqué au cœur sous sa brigandine, le soudoyer tomba sans un cri : l’épée de Vézelay, l’arme de saint Michel dont il n’eût su dire où commençait son fer, où commençai sa chair, l’avait préservé d’une mutilation qui eût fait de lui un nouvel Abélard.
    « Si je te connaissais, je prierais pour ton âme ! »
    Convulsions partout mêlées morts cris plaintes jurons. Ou en était-on de cette énorme géhenne ? En une nuit, comme un fleuve, elle avait pris sa source aux Barolles et s’était épandue, formant un vaste lac de fers et de chairs enchevêtrés, enchevauchés, secoué de soubresauts torrentueux. « Bats-toi ! Protège-toi ! » Un taillant sur une barbute, si fort que sa lame avait mauvaisement tinté. « Va-t-elle se rom pre ? » L’homme chancelait. Bagerant, qu’il gênait, lui estiqua son épée dans le corps.
    « Un autre devant moi !… Il me faut bien… Dieu me pardonne ! »
    L’homme chut… Mais qu’avait-il, lui, Tristan, à invoquer Dieu ? Il n’existait pas, sans quoi il eût arrêté ce massacre !
    Jamais il ne pourrait fuir. Si, profitant de ce que les routiers reculaient, il lâchait sa Floberge et se portait en avant, il périrait quand même !
    Un cor sonna. Où ? Pourquoi ? « Ils se débandent partout ailleurs qu’où nous sommes… Plus de souffle… » Un épieu traversa son fer et perça peu profondément sa poitrine. Il parvint à rester debout, l’enragerie et le courage tout aussi émoussés que l’estoc et les tranchants de son arme. Il vit un homme vaciller, une sorte de lame dans le ventre : c’était celui auquel il devait sa

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