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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Guillonnet de Salbris. Bon sang de bordeau de Dieu !
    – Tu blasphèmes, mon fils…
    – Chevalier !… Dis-moi vous  !… Que crois-tu ? Personne ne fera de différence entre ta bure et les harnois des autres Tard-Venus !
    – Tôt-Venus, mon fils… Et ce fut votre perte.
    Un cinglon porté du dos d’un gantelet de fer rendit vermeille la joue du moine. Il ne broncha pas mais leva les yeux au ciel comme pour prendre le Très-Haut à témoin d’un tel outrage. La fureur de Salbris s’en trouva décuplée :
    – Je t’ai vu batailler avec ta haute croix !… Une arme d’hast bâtarde s’il en fut !… Je t’ai vu occire cinq ou six hommes : chevaliers, écuyers, manants !… Ils hésitaient devant ton froc de bure, et cela leur était fatal !
    Cette fois, Angilbert baissa les yeux :
    –  Benedictus Do mi nus mens qui docet manus me as ad praelium et digitos meos ad bellum…
    « C’est bien la seule phrase que je lui connaisse ! »s’étonna Tristan, pendant que, pour Salbris, le clerc traduisait :
    – Ce qui signifie, mon fils : Béni soit Dieu qui arme mes mains au combat et mes bras à la guerre.
    J’avais choisi de vivre parmi d’affreux pécheurs pour les ramener dans le droit chemin… Je ne les ai pas quittés… Jusqu’au bout j’aurai assumé mes fonctions sacerdotales… Dans cet enfer, j’ai fait resplendir Dieu !
    C’était gros, énorme même, et dit d’une voix onctueuse comme une sainte huile. Tristan savoura cette repartie. Guillonnet, outré, n’osa se livrer à un commentaire. Il se tourna vers les chevaux, et Tristan plaignit ces épaves. Certains saignaient aux flancs, au poitrail, aux jambes. Leurs yeux reflétaient des terreurs dont ils rêveraient sans doute ; ils en rueraient en pleine nuit en hennissant comme leurs frères saignés, étripés durant la bataille.
    – Allons, les hommes !… Liez-moi ces malandrins au cul de ces chevaux. Et s’ils les saluent par quelques ruades, nous en serons tout aises !
    Debout, chancelant un peu, Tristan fut attaché le premier à la queue d’un roncin pommelé ; Angilbert à celle d’un genet brun, qui boitillait ; Thomas de Nadaillac à celle d’un mulet. Tristan se désintéressa des autres.
    – Avancez ! hurla Guillonnet de Salbris. Il nous faut rejoindre nos compagnons. Nous sommes les derniers réchappés de cette aventure !
    – Craindrais-tu, mon fils, ricana Angilbert, que des frères ne surviennent pour nous libérer ?
    Il reçut dans la fesse un coup de poulaine ferrée. Son ébaudissement s’en accrut :
    – N’aie crainte, chevalier : leur cœur est dur et sans pitié, même pour leurs dévoués amis en grand état de male chance. Leurs libations, ce soir, ne nous seront pas destinées. Ils feront un festin et se moqueront des martyrs que nous allons devenir… Quant à moi, je saurai trépasser dignement.
    – Holà ! ricana le barbu qui côtoyait le clerc. Aussi vrai que je m’appelle Yvon Martineau et que j’étais chez Espiote, aussi vrai que je n’ai aucun regret pour tout ce que j’ai commis, je t’avoue que la mort m’effraie !
    – Pense à toutes tes victimes et dis-toi, mon fils, que l’on ne peut se soustraire à la divine volonté… Je serai près de toi et prierai pour ton âme noire. Dieu l’accueillera immaculée au ciel !
    Tristan se dit que la mésaventure de ces malandrins n’était, après tout, qu’une sorte d’iniquité dans la Justice, qu’elle fût céleste ou humaine. Ils allaient en mourant redimer tous leurs crimes ; leurs compères poursuivraient les meurtres et pillages. Ceux qui séviraient contre Angilbert, Martineau, Nadaillac et les autres, silencieux pour le moment, se sentiraient la conscience nette alors qu’il eût fallu occire cette malfaisante engeance dans sa totalité. Où ? Mais à Brignais !
    Nul miracle ne pourrait, cette fois, le soustraire à la mort. Avec lui s’éteindrait le sang des vrais Castelreng. Si elle était saine et sauve, Oriabel porterait un jour l’enfant d’un autre, un manant, sûrement. À moins qu’elle ne lui restât fidèle, ce qui serait une absurdité. Olivier, le fils d’Aliénor, régnerait !
    Bien qu’il souffrît du cou et de l’épaule, il avançait aisément, allongeant parfois la jambe afin d’épargner au liard 114 qui le tirait – ou devait le tirer – toute lassitude après les galops et terreurs qui l’avaient affaibli. Car il était faux d’affirmer que tous les

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