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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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blessure.
    « Angilbert ! C’est sa croix !… Nous voilà cernés… Reculer… Cernés ! Cernés !… Les gens de France affluent : les survivants, les navrés ; certains traînent des morts par les pieds… Les Justes sont vaincus sauf tous ceux qui s’approchent… J’étouffe dans ce bassinet ! Visage en eau ! Vois mal… Yeux piquants ! Mon épaule… Jamais je… J’aurais dû… »
    Son cœur à grands ahans lui meurtrissait les côtes. Sa poitrine bouillait ; son sang s’y mêlait à sa sueur. Jamais il n’avait éprouvé cet écœurement, cette pesanteur qui ne devait rien à son armure… S’allonger ! Cracher ces braises dont ses poumons s’infectaient ; vider son estomac de son fiel. Les bras de plomb à force de dispenser des coups… Après avoir reçu les éperons dorés, il s’était dit qu’il n’userait de ses armes qu’à bon escient ; qu’il défendrait l’honnêteté contre le crime ; que tous ses gestes de guerrier n’auraient qu’un sens, une direction : la Justice… Abîmé, amoindri dans sa chair par des justiciers, il devait contre son gré faire corps avec les pires malandrins du royaume. Il n’était même plus travaillé par l’envie de réintégrer sa vie de naguère !
    « Comment en référer au roi ? Nul ne croira que, tombant au pouvoir des routiers, j’ai subi affront sur affront sans parvenir à m’en dépêtrer ! »
    –  Ils m’ont pris ! hurla Angilbert le Brugeois. À l’aide ! À l’aide !
    – Prends garde, Sang-Bouillant ! recommanda Bagerant.
    Gerbes d’épées et d’armes d’hast, heurts et cris de mort ; grognements de bêtes noires assaillies par la meute au fond des halliers. Il fallait reculer encore. Vers les collines d’Irigny. Quatre chevaliers dont Salbris ; le reste n’était que piétaille, mais piétaille hardie, acharnée, qui elle aussi eût mérité les éperons.
    Un homme, un chevalier adoubé d’une armure passée à la fumée. La ventaille du bassinet gris-noir semblait une grosse jatte percée de trous. Juste au-dessus branlait un reste de plume d’autruche.
    « Je souffre. Tu souffriras davantage si tu prends un coup ! Un taillant après l’estocade  ! J’ai mal ! Ils ont tous mal ! Ils sont tous atteints ! Avance ! »
    Qui était ce seigneur ? Autour d’eux, les emmêlements mortels recommençaient. Les épées cliquetaient, tintaient. Bong ! Bong ! On entendait les froissements des corsesques s’enfonçant dans les mailles et la chair.
    Tristan reçut une taillade sur son bassinet dont la vervelle (328) dextre céda. La ventaille tomba de biais devant son visage, et il ne vit bien que d’un œil. Impossible d’arracher ce fer branlant, désormais importun.
    Une estocade l’atteignit au ventre, au-dessus de sa baconnière. Le fer de celle-ci le sauva. Il avait cependant vacillé sous le coup. Bagerant, à son intention sans doute, clama des imprécations.
    – Vous mourrez !… Goguelus, nul d’entre vous ne reverra Lyon !
    Tristan se rua sur l’homme à la plume d’autruche et lui porta, sous le buse du plastron, un coup sec, pareil au mouvement du boulanger enfournant du pain à cuire. Il avait mis dans ce mouvement moins de force que de désespérance.
    Il entendit le hurlement de sa victime sous la coque du bassinet, tira sa Floberge et avança en la moulinant ferme contre les amis de ce seigneur qui avait dû être grand, mais qui, à terre, ne valait que le prix de son armure.
    « Ils veulent ou ma mort ou ma prise… Et le pire de tous, c’est Guillonnet de Salbris ! »
    Il se trouvait dans un cercle de fer. Il devait cogner, cogner furieusement et pirouetter souvent pour se garder des atteintes pernicieuses. Il n’était plus bon qu’à embourser des coups, et cependant, plus sa chair le cuisait, plus il en fournissait.
    Cette grappe de Justes toute juteuse de sang, il ne la combattait nullement par contrainte mais par férocité profonde. S’il le voyait, Bagerant devait être content le lui.
    Il reculait sous cette pression terrible vers il ne savait quoi. Deux chevaux, un moment, dispersèrent les hommes. Deux bêtes déchevalées. Ils n’étaient guère nombreux, maintenant, les présomptueux aux lis de France ! Et c’était leur faute si un pareil meschef 109 avait ni se produire.
    « Je vais mourir sans savoir… Oriabel ! Non, non ils ne m’auront pas vivant… Je les hais… Je les vomis !… Tiens ! Tiens ! Prends ça. » Ce n’était

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