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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chevaux galopaient sereinement à la tuerie. Où était son Noiraud ? Où gisait sa Floberge ? Bientôt, on le dépouillerait de son armure. Encore une qu’il perdrait… avant que de perdre la vie.
    Nul ne parlait. Chacun revoyait la bataille. Après le vacarme sanglant, le silence avait une douceur moelleuse. L’air semblait pur, chargé d’une odeur d’herbes et de fleurs. Tristan le respirait à plein nez. Tout s’amollissait en lui. Cette paix, cette sérénité recouvrée n’était sans doute que la fade imitation de celle qu’il trouverait Là-haut…
    Puis il se rembrunit : il devait refuser toute pensée lugubre. Il devait vivre. Pour Oriabel ; pour leur bonheur et leur descendance. Il ne recevait plus de ce qui l’entourait que le message de la jouvencelle ; un message d’espoir : Tiercelet l’infaillible l’avait sauvée. Ils avaient fui. Il fallait qu’ils eussent fui, sans quoi la Providence n’existait pas !
    Il sentait qu’il s’alourdissait ; son armure pesait, revenait contraignante. Sans doute l’avait-il trop portée. Il s’était insuffisamment nourri ces derniers jours. Sa vigueur s’était dissipée, mais il n’offrirait pas à Salbris le spectacle d’un chevalier à bout de force et de honte.
    – Je me demande où est Bagerant, dit Angilbert. Il n’était pas dans ceux que j’ai bénis.
    À quoi bon dire un mot. Désormais, sur la butte pierreuse du Mont-Rond, à moins que ce ne fût au château, l’Archiprêtre portait sûrement la santé à Jean Aymery, Garcie du Châtel, le Petit-Meschin, sans oublier son compère : le Bâtard de Monsac. Il y avait des rires et peut-être des femmes. « Les immondes ! » Pesanteur d’amertume. Pesanteur de fer. Pesanteur des muscles épuisés pour rien : la truandaille avait gagné. Désormais, on la craindrait davantage. Elle était aussi forte que les armées du roi ! Ce roi qui n’entassait que des déconvenues.
    Angilbert toussota pour s’éclaircir la voix :
    –  Je n’aurai jamais vu le cul d’un cheval de si près si longtemps !
    – Avance ! Avance, clerc dévoyé ! hurla Guillonnet de Salbris. Toi, oui, toi : Barnaudet, place-toi derrière ce porteur de froc qui commence à trébucher. Picote-le de ta guisarme s’il piète malaisément !… Je conçois qu’il soit peu pressé d’atteindre Lyon. Je me porte garant des pensées de nous tous, moine, en affirmant que ta grande croix en main, tu as célébré ce jour d’hui ta dernière messe noire !
    – Rouge, rectifia simplement le clerc. Et j’aimerais vider quelques pintes de vin.
    Il n’était pas, lui, un clerc abstème. Il aimait le vin, dit-il, jusqu’à lécher les calices.
    Guillonnet s’approcha de Tristan :
    – Des ordures pareilles méritent d’être traitées fellement 115  ! Même toi, Castelreng ! Tu ne recevras aucun égard particulier. J’y veillerai. Pour avoir partagé la vie de cette engeance, pour l’avoir défendue de nos atteintes, il faut bien que tu sois devenu un routier !
    – Hé ! Hé ! Justement non, intervint Angilbert. Messire de Salbris, même si Dieu me le commandait, je ne vous absoudrais pas de votre… légèreté !
    – Je te refuserais, moi, de bénir mon cul !
    – Je n’en ai pas l’intention, étant donné qu’il doit être encore plus laid que votre face. Toutefois, si le Seigneur me priait expressément de le faire, j’emploierais, en guise de goupillon, un de ces petits balais qu’on trouve dans les latrines.
    Il n’y eut pas que les routiers à rire : les hommes d’armes s’ébaudirent aussi, et Guillonnet rougit sous sa ventaille relevée. Bien qu’il ne vît de son visage que ses sourcils touffus, son nez long et arqué, sa bouche lippue, Tristan se dit qu’il avait la figure d’un sot : d’un sot qui s’employait à faire l’important. « Il aurait pu nous occire ou demander à ses gars d’y procéder à sa place… Mais non !… Il jouit de nous emmener à Lyon pour nous y voir juger et subir, devant la populace assemblée, un châtiment cruel. » De quelle espèce ? Seraient-ils jetés dans une immense chaudière d’eau bouillante comme les faux-monnayeurs ? Monteraient-ils sur le bûcher ? Seraient-ils pendus après un ou deux jours de pilori ? Liés sur une roue ainsi qu’on le faisait aux Allemagnes ? Ecartelés par quatre roncins, bien que ce châtiment fût aussi rare que l’estrapade ou le pal.
    –  Vâou pa las braios d’un pënjha (334)

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