Les amants de Brignais
vous avez oy ; et fut le mardi derrenier jour de juillet l’an 1358 après disner messages partirent de Paris très-hastivement, pour, porter ces nouvelles à Monseigneur le duc de Normandie qui estoit à Meaulx ; lequel en fut très grandemen resjoui, et non sans cause. Si se ordonna pour venir à Paris. Mais avant sa venue, Josseran de Mascon qu’estoit Trésorier du roi de Navarre, et Charles Toussai Eschevin de Paris, lesquels avoient esté prins avecque ; les autres, furent exécutez et orent les testes copées et la place de Grève, pource qu’ils estoient traîtres et de la secte du Prévost des Marchons. Et le corps dudit Prévost et de ceulx qui avecques lui avoient esté tuez furent atrainez en la cour de l’église Sainte-Katerine du Val-des-Ecoliers ; et tous nus, ainsi qu’ils estoient, furent estendus devant la croiz de ladite cour, où ils feurent longuement, afin que chascun les peust veoh qui veoir les vouldroit ; et après furent gettez en le rivière de Saine. Le duc de Normandie qui avoir envoyez à Paris de ses gens o grant foison de gem d’armes, pour réconforter la Ville et aidiez à la défi fendre contre les Anglois et Navarrois qui estoient environ et y faisoient guerre, se partit de Meaulx où it estoit et s’en vint hastivement à Paris, à noble et gram compaignie de gens d’armes, et fut receus en la bonne Ville de Paris de toutes gens à grant joye, et descendt pour lors au Louvre. Là estoit Jehan Maillart delez lui qui grandement estoit en sa grâce et en son amour ; et au voir dire, il l’avoit bien acquis, si comme vous avez oy cy-dessus récorder ; combien que parafant il feust de l’alliance au Prévost des Marchons, si comme l’en viisoit. Assez tost après manda le duc de Normandie la Duchesse sa femme, les Dames et les Damoiselles qui ne tenoient et avoient esté toute la saison à Meaulx en Brie. Si vindrent à Paris ; et descendi la Duchesse en l’ostel du Duc, que on dit à Saint-Pol, où il estoit retrais ; et là se tindrent un grand temps.
Voilà le nouveau texte que j’ai annoncé et qui me paraît devoir être préféré à l’ancien, parce qu’il réunit le double avantage d’être tiré des manuscrits les plus authentiques qui soient connus, et de s’accorder beaucoup mieux que l’imprimé, tant avec les écrivains contemporains, qu’avec les autres monuments du temps, auxquels il peut même servir de Commentaire ou Supplément. C’est ainsi, par exemple, qu’il supplée la réticence des Chroniques de Saint-Denis ; en nous instruisant des détails de la mort de Marcel, en nommant les acteurs qui eurent la principale part à cet événement, circonstances omises par le chroniqueur et par les autres historiens ; en nous apprenant qu’elles furent les suites de l’action de Pépin des Essars, que le Chroniqueur nous laisse ignorer. Tout ce qu’on y lit concernant des Essars, est d’ailleurs confirmé par une pièce du Trésor des Chartes 135 : ce sont les lettres de Rémission, datées du mois de février 1368, la cinquième année du règne de Charles V, dans lesquelle il est dit qu’avant que Marcel eût été tué, Pépin des E ssars Chevalier, son frère Martin des Essars, Jacques de Pontoise, huissier d’armes, et plusieurs autres, allèrent à l’Hôtel de Josseran de Mâcon, situé près de Saint-Eustache, pour icellui (Josseran) comme traître faire occire et mettre à mort ; ou quel hostel il ne peut estre trouvé ; et pour ce se départirent d’icellui… se transportèrent en l’ostel de nostre dite ville (C’est le roi qui parle), prindent nostre tanière qui là estoit, et atout s’en allèrent à la Bastil de Saint-Anthoine… ou quel lieu le Prévost des Marchans, Philippe Giffart et autres traîtres furent occis et mis à mort.
L’accord du texte manuscrit avec ces lettres est si évident, qu’on dirait que l’Ecrivain les avait sous les yeux. Son récit ne se concilie pas moins bien avec d’autres lettres déjà rapportées, par lesquelles Charles V alors Dauphin, donne au comte de Porcien une partie des biens confisqués sur Maillart, comme partisan du Prévôt des Marchands, ennemi du roi et du Royaume, et coupable du crime de lèze-majesté. Il suffît, pour s’en convaincre, de se rappeler le passage où il est dit que le jour de la mort de Marcel, il s’était élevé une contestation fort vive entre lui et Maillart ; et qu’alors celui-ci s’étoit mis avec ceux de la partie du duc de
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