Les amants de Brignais
faisant voir que toute cette narration n’est point son véritable texte. Je crois avoir trouvé ce texte dans trois manuscrits de la bibliothèque du Roi, dont ceux sont peut-être les plus anciens et les plus authentiques qui existent dans aucun dépôt. L’un, coté 8318, sorte une date qui en atteste l’ancienneté. On lit sur ne feuille de vélin qui est en tête : Cy est une partie des chroniques de France faites par maistre Jehan Froissart Haynuyer, depuis le temps du roi Charles 1er Quart, des guerres qui furent entre France et Angleterre ; lesquelles chroniques maistre Guillaume Boisratier (364) Maistre des requestes de l’ostel du Roy et son Conseiller, de et Conseiller de Monseigneur le duc de Berry son seigneur, donna à mondit seigneur le duc en son hostel de Neele, le 8 e jour de novembre l’an 1407. Signé Flamel.
Le manuscrit ne saurait être postérieur à cette date ; et l’on voit même par la signature de G. Boisratier, qui se trouve sur un feuillet de parchemin collé en dedans de la couverture, qu’il en était déjà propriétaire depuis quelque temps, lorsqu’il le donna au duc de Berri ; en sorte qu’on peut sans difficulté l’estimer de la fin du XIV e siècle.
Le second, coté 8319, est si parfaitement conforme au précédent, pour la qualité du vélin, la couleur de l’encre et la forme des caractères, qu’il appartient visiblement au même temps. J’y ai cependant remarqué assez de variété dans les leçons, pour juger que ces deux manuscrits n’ont été copiés ni l’un sur l’autre, ni sur le même original.
Le troisième, coté 6760, est moins ancien : il paraît avoir été écrit vers le milieu du XV e siècle. En le comparant avec les deux autres, j’y ai découvert des différences qui prouvent qu’il n’en est point une copie. Celui-là forme donc un troisième témoignage en faveur du nouveau texte de Froissart. Comme ce texte n’a jamais été publié, je transcrirai le chapitre entier, à l’excep tion des vingt premières lignes où l’historien expose le plan de la conspiration de Marcel, conformément à ce qu’on lit dans les imprimés, et au récit abrégé que j’en ai fait au commencement de ce mémoire ; puis il continue ainsi :
Celle propre nuit que ce devoit avenir 134 inspira Dieu et éveilla aucuns des bourgeois de Paris qui estoient de l’accort et avoient toujours esté du duc de Normandie ; desquels Messire Pépin des Essarts et Messire Jehan de Charny se faisoient chiefs ; et furent yceulx par inspiration divine, ainsi le doit-on supposer, enformez que Paris devoit estre courue et destruite. Tantost ilz s’armèrent et firent armer tous ceulx de leur costé, et révélèrent secrètement ces nouvelles en plusieurs lieux pour avoir plus de confortants. Or, s’en vint ledit Messire Pépin et plusieurs autres, bien pourvus d’armeures et de bons compaignons, et prist ledit Messire Pépin la banière de France, en criant au Roy et au Duc ; et les suivoit le peuple ; et vindrent à la porte Saint-Anthoine où ils trouvèrent le Prévost des Marchons qui tenoit les clefs de la porte en ses mains. Là estoit Jehan Maillart qui pour ce jour avoit eu débat au Prévost des Marchons et à Josseran de Mascon, et s’estoit mis avecques ceulx de la partie du duc de Normandie. Et illeques fut ledit Prévost des Marchons forment arguez, assailliz et déboutez ; et y avoit si grant noise et criée du peuple qui là estoit, que l’en ne povoit riens entendre : et disoient, à mort, à mort, tuez, tuez le Prévost des Marchons et ses aliez car ils sont traistres. Là ot entre eulx grant hutin ; et le Prévost des Marchons qui estoit sur les degrez de la bastide Saint-Anthoine, s’en feust voulentiers fuy s’il eustpeu : mais il fu si hastez qu’il ne pot ; car Messire Jehan de Eharny le fèri d’une hache en la teste et l’abati à terre ; et puis fut féru de maistre Pierre Fouace et autres qui ne le laissèrent jusques à tant qu’il feust occis, et fix de ceulx qui estoient de la secte, entre lesquels estoient Phelippe Guissart, Jehan de Lille. Jehan Poi ret, Simon le Paonnier et Gille Marcel ; et plusieurs autres traîtres furent pris et envoiez en prison. Et put commencèrent à courir et à cerchier parmi les rues de Paris, et mirent la Ville en bonne ordenance et fireit grant gait toute nuit. Vous devez savoir que sitost que le Prévost des Marchons et les autres dessus nommez furent mors et pris, ainsi que
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