Les amants de Brignais
Dauphin ; soit enfin, si on veut lui prêter un motif plus noble, qu’au moment de l’exécution il eût horreur de contribuer à faire égorger une multitude de ses concitoyens, et qu’il espérât fléchir, par son changement quoique tardif, la justice du Régent, et obtenir de lui la grâce. Mais quels que soient les motifs qui le déterminèrent à quitter le par ti des rebelles, il n’en est pas moins vrai qu’il ne fit ce jour-là d’autre exploit que de chercher à soulever le peuple de son quartier, qui n’ayant pu oublier sa conduite précédente, ne devait pas avoir une grande confiance dans son changement subit ; que Pépin des Essars et Jean de Charni, sans s’être concertés avec lui, rallièrent sous la bannière royale les Parisiens bien intentionnés, et se rendirent à leur tête à la Bastille Saint-Antoine ; que ce fut Charni qui frappa le Prévôt, qu’un bourgeois nommé Pierre Fouace acheva de le mettre à mort, et que la gloire de la révolution est due aux deux chevaliers : Pépin des Essars et Jean de Charni.
Quant à Maillart, il est vraisemblable que depuis son retour au parti du Roi et du Dauphin, il leur demeura constamment fidèle. Nous avons même lieu de présumer qu’il répara dans la suite sa défection par quelques preuves signalées d’attachement et de zèle, qui lui méritèrent, en 1372, des lettres de noblesse pour lui, sa femme Isabelle, ses deux fils Jean et Charles, et sa fille mariée à Jean le Cocq, neveu du fameux évêque de Laon (365) . Je cite expressément la date de ces lettres, pour faire remarquer qu’elle est postérieure de quatorze ans à la révolution qui sauva le royaume : d’où il s’ensuit, se me semble, que l’anoblissement ne fut point, comme on a pu le penser, la récompense de la part que Maillart y avait eue : s’il en eût été le principal auteur, sans doute, une distinction si justement acquise aurait dû lui être accordée sur-le-champ. J’observe, de plus, que dans la teneur des lettres, dont j’ai une copie sous les yeux, les motifs qui déterminent le Prince à les accorder, sont énoncés vaguement : pro actibus nobili-bus & aliis virtutibus, etc. (à cause de ses actions nobles et ses autres vertus) sans aucune mention particulière du service important qu’il aurait en effet rendit s’il avait eu autant de part qu’on le prétend à la révolution de 1358. Un fait si honorable pouvait-il être omis entre les motifs de la concession ?
LES VÉRITÉS ET LES OUBLIS
Il ne messied point, en conclusion du texte de M. Dacier, d’ajouter quelques précisions supplémentaires qui, même succinctes, fourniront quelques raisons d’étonnement aux lecteurs.
Jean de Charni (ou Charny), qui frappa le Prévôt, n’était pas n’importe qui pour sa victime. Il avait épousé la veuve d’un Pierre des Essarts, tué à Crécy, et qui était le grand banquier de Philippe de Valois. Il était marié à la belle-sœur d’Etienne Marcel.
Quant au drapier Jean Maillart, faux et répugnant héros de ce qui fut surtout un règlement de compte familial, il avait épousé la veuve de Gencien de Pacy, et plusieurs autres mariages avaient consolidé les liens entre les familles Pacy et des Essarts (366) .
C’est surtout du fait de sa belle-famille que Marcel fut mis à mort ; une belle-famille à qui le prévôt n’avait pas pardonné de lui voler sa part de l’héritage du financier de Philippe VI. Règlement de compte patriotique, c e meurtre du 31 juillet 1358 ? Sûrement pas. Les « familiers » du prévôt attendaient une occasion de l’éliminer ; ils la trouvèrent. S’il avait été plus circonspect, Marcel eût peut-être vécu plus longtemps. Et qui sait si sa duplicité ne lui aurait pas permis de sauver sa tête…
Il convient de savoir encore que ce fut Simon, le frère de Jean Maillart, qui se rendit à Meaux, accomp agné de deux juristes (Etienne de Paris et Jean Pa stourel) pour signaler au dauphin que la voie était libre et qu’il pouvait revenir à Paris.
Nul doute qu’avant le départ des trois hommes, Jean Maillart avait prié son frère de décrire au dauphin, de la façon la plus élogieuse possible, comment il avait éliminé un « traître » !
La leçon que l’on doit tirer du texte de M. Dacier est des plus simple. Il ne faut pas prendre pour vérité tout ce que raconte Froissart et se défier de ses copistes, surtout du Breton Raoul Tainguy 136 !
Voici deux
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